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Commerces hybrides, vers l’infini et au-delà

Le 28 novembre 2013 - Par qui vous parle de , , , , , , ,

Les commerces mutent et évoluent : nous en parlions il y a quelques jours, en évoquant les tendances les plus marquantes des lieux de chalandises occidentaux. Parmi elles, celle des commerces « hybrides » s’avère peut-être la plus intéressante, du moins la plus enthousiasmante. A l’image de ce salon de coiffure + bar à chicha repéré à Lyon par notre correspondant @PippoJawor, ou à cette improbable mais jouissive épicerie + piercing amiénoise, superbe avatar de ces « nouveaux magasins toutenun si on peut se le dire ».

Forcément, l’idée nous a inspiré, et on a voulu se prêter au jeu en imaginant quelques improbables métissages commerciaux. Cela fait d’ailleurs suite à un exercice universitaire réalisé en début d’année par un groupe d’étudiants (dont l’auteure de ce billet). A l’instar de cette machine hybride créée par un coréen, les six étudiants avaient imaginé une laverie + salle d’arcade des plus réalistes : chez Game & Wash. Le pitch : surfer sur la tendance du rétrogaming pour réenchanter une tâche (et un lieu) assez peu réjouissants…

Ce faisant, le projet décrivait l’une des vertus principales de l’hybridation commerciale : convertir le « temps subi » (ici l’attente de son linge, mais c’est aussi valable pour les courses, les coupes de cheveux, etc.) par une offre commerciale nettement plus attractive. Et plutôt que de prendre en grippe le vrombissement des machines, le parti pris d’un tel projet résidait au contraire dans sa démarche peu convenue de requalification du bruit en ville…

Random shops : et si on accouplait nos échoppes ?

Pour se frotter à l’exercice, on a sélectionné deux douzaines de commerces et services divers et variés, les premiers qui nous venaient en tête parmi les plus communs dans nos rues… et on a mélangé les p’tits papiers. On a laissé faire le hasard pour remixer le tout, et ça a donné la liste suivante :

  • Primeur + Théâtre : pour acheter les meilleures tomates à lancer sur les pires comédiens.
  • Taxiphone + Banque : pour ne plus avoir d’excuse auprès de la famille restée au bled car, comme le dit le rappeur Mokobé : « Au téléphone, le mensonge le plus fréquent tient en quatre mots / L’argent est déjà parti. »
  • Pharmacie + Bar-tabac : pour anticiper son traitement en achetant ses cigarettes.
  • Discothèque + Agence immobilière : pour développer le lobbying en faveur du tapage nocturne.
  • Kebab + Opéra : pour gentrifier bien comme il faut. Parce qu’écouter Cosi Fan Tutte dans l’arrière boutique du grec en bas de chez toi, « ça fait grimper le prix de l’immobilier. »

Derrière la porte du fond se cachent en fait fauteuils de velours rouge et balcons VIP, B2O nous a menti.
  • Cave à vin + Farces & attrapes : pour choisir son costume dans un état second.
  • Galerie d’art + Boutique de jeux vidéo : pour… oh wait, ça existe (presque) déjà
  • Fourreur + Fromagerie : pour déguster Gaperon et Brebiou en grande cérémonie. Attention à pas mettre de poils dans la pâte molle.
  • Boulangerie + Bijouterie : pour célébrer l’Epiphanie toute l’année, en remplaçant nos bonnes vieilles fèves en porcelaine par des anneaux autrement plus précieux, à l’instar de cette scène romantiquement culte dans Peau d’Âne.

  • Papeterie + Agence de voyage : pour se procurer du joli papier à lettre à moindre prix en préparant son excursion. Au lieu d’acheter des cartes postales hors de prix.

Le meilleur pour la fin, on vous jure que c’est le hasard :

  • Garderie + Sex-shop : pour… non, rien. La tombola du malaise. Plus sérieusement, cette association embarrassante nous rappelle une affaire récente, relativement similaire. Un procès s’est en effet tenu l’année dernière devant le tribunal correctionnel de Paris pour déterminer « si la vente de sex-toys à moins de 200 mètres d’une école viole ou non la loi française » :

« Les magistrats de la 10e chambre devaient déterminer si les godemichés et autres vibromasseurs sont des objets érotiques, et autorisés, ou des objets « pornographiques », seuls interdits à proximité des « établissements d’enseignement ». » (Le Monde, février 2012)

Cet exemple souligne d’ailleurs les problématiques (administratives, économiques, culturelles etc.) que poseraient de telles hybridations commerciales. Car si c’est bien le hasard qui a décidé de ces tandems, certains s’avèrent plus réalistes que d’autres… et l’on pourrait bien voir un jour quelques uns de ces exubérants croisements envahir nos rues. Comment faudra-t-il alors les catégoriser ?

Cette ébauche d’exercice est évidemment ouverte à vos contributions, hasardeuses ou volontaires. Vos propositions les plus absurdes, pertinentes ou décoiffantes sont donc les bienvenues en commentaires !

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