4 décembre 2014
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L'observatoireDossiers & Immanquables

On ne peut pas tout à la fois siffler le périph’ et l’opéra

Le 4 décembre 2014 - Par qui vous parle de , , dans parmi lesquels

« L’imaginaire de Paris doit déborder du périph’ ». La sommation est signée Renaud Charles, co-fondateur du webzine Enlarge your Paris, lors du colloque « A nous le Grand Paris ! » organisé fin novembre par Libération. Si nous partageons à 200% cette affirmation, on aimerait toutefois la retourner : n’est-ce pas plutôt l’imaginaire du périph’ qui devrait inonder Paris, comme nous le soufflait sur Twitter le journaliste Louis Moulin, par ailleurs archiviste émérite de sa bien-aimée banlieue rouge ?

Au-delà du plaisir sémantique, ces allers-retours entre centre et périphéries s’avèrent loin d’être anodins. Surtout, il n’est en rien limité au cas parisien. Toutes les villes françaises connaissent des turpitudes similaires, et le schéma se retrouve évidemment à l’étranger. Posons donc la question un peu crûment : en quoi les centres seraient-ils plus « légitimes » que leurs propres banlieues ? Pourquoi les zones périphériques devraient être assujetties à leurs métropoles respectives, dans une resucée de féodalisme qui n’a en réalité rien de vraiment naturel ?

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C’est contre ce constat que l’anthropologue Eric Chauvier s’était élevé (1), en réponse à un article quelque peu outrancier de Télérama : « Comment la France est devenue moche » (partagé 35 000 fois sur Facebook, rien que ça). C’est aussi le travail qu’entreprend le géographe Martin Vanier (2), héraut du périurbain, notamment à la DATAR. Pour autant, défendre les périphéries maltraitées n’empêche pas de reconnaître la crise qu’elles traversent, notamment en regard des injonctions durables.

Les propos de l’économiste Edward Glaser (3), auteur d’un livre sur le « triomphe de la ville » et par corollaire le déclin de la suburb américaine, sont à ce titre révélateurs. La déliquescence du modèle périurbain américain trouve d’ailleurs son écho en France et en Europe, cristallisée par le marasme des centres commerciaux de banlieue (4), qui peine à réinventer leurs imaginaires. Des architectes-urbanistes telles qu’Aurore Rapin (5) proposent des solutions aussi judicieuses que drastiques : pourquoi ne pas transformer ces espaces défraîchis en zones d’habitation ? L’idée n’est pas sans rappeler le projet BIMBY, ou comment recréer de la « ville dense » en milieu diffus… Seule réponse possible à la dramaturgie des banlieues ?

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La pop-culture, comme souvent, nous offre un éclairage différent et complémentaire. La série britannique Misfits (6), tournée dans les grises banlieues de Londres, est peut-être celle qui a su le mieux restituer la granularité du béton périphérique. Sans jamais tomber dans le cliché visuel, mais sans pour autant chercher à cacher les aspérités des tours brutes, la série nous montre la banlieue telle qu’elle est : , belle et chiante, folle et morne à la fois.

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