18 février 2015
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Lite Feet : je veux juste une dernière danse

Le 18 février 2015 - Par qui vous parle de , dans parmi lesquels

Il y a quelques mois, la municipalité new yorkaise a décidé d’interdire la pratique du « LiteFeet » dans les métros de Big Apple. La nouvelle est arrivée chez nous il y a quelques jours, via la diffusion de la vidéo ci-dessous… nous offrant l’occasion d’interroger les paradoxes qu’entretiennent nos villes à l’égard de leurs habitants.

Le Lite Feet, que que l’on pourrait grossièrement définir comme un déclinaison stylistique du breakdance1 prenant pour décor (entre autres) les célèbres rames du métro local, a donc célébré cette ultime danse comme il se doit : dans un dernier baroud d’honneur, sublimée par des ralentis en cascade et une voix-off explicative.

La nouvelle est évidemment d’ordre anecdotique. Il n’en reste pas moins qu’elle symbolise l’une des contradictions les plus évidentes de nos villes actuelles, qui jouent les équilibristes entre d’un côté, le soutien à l’expression créative des habitants, et de l’autre une restriction permanente de cette même expression. L’interdiction du Lite Feet n’est, en somme, qu’un énième rappel à l’ordre de ce que le sociologue Marc Breviglieri a baptisé « ville garantie » : « une tendance de planification qui consiste à déterminer une utilisation normale et prévisible de l’espace urbain en annihilant tout flou d’usage et toute possibilité d’expérimentation« , selon la chercheuse Sonia Curnier.

Autrement dit : faites ce que vous voulez, tant que vous restez dans les rails. Le paradoxe est d’autant plus flagrant quand il s’agit des « cultures urbaines »2, auxquelles se raccroche le Lite Feet : encensées et ré-institutionnalisées par la plupart des municipalités – qui leur doivent d’ailleurs beaucoup -, et pour autant toujours chassées de leurs terres, comme au temps des prémisses du hip-hop. De fait, comme l’écrivait un peu naïvement ce journaliste de Nova Planet, « le Lite Feet, comme toutes les micro-tendances associées de façon éphémère à certains morceaux ou artistes, témoigne de la vivacité créatrice en renouvellement perpétuel » à New York City.

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Forcément, son interdiction invite à une certaine lassitude. Las nous sommes de voir et lire la même rengaine, toujours : une tendance à peine subversive émerge, se réappropriant la ville avec ingéniosité ; puis, quelques mois ou années plus tard, le couperet tombe… Fin du bal. Le plus dommageable, dans cette histoire, est que la municipalité new-yorkaise se prive ainsi d’une campagne gratuite en faveur de son triste métro, au moment même où l’attractivité des transports publics représente l’un des grands chantiers de la métropole.

Bien entendu, le constat vaut pour toutes les villes qui se proclament « créatives » mais n’ont de la créativité qu’une expression bien cloisonnée – on ne vise personne.

On vous laisse avec la version parisienne du Lite Feet, et qui égayera à jamais le terne vrombissement de nos rames.

  1. La définition complète parlera aux connaisseurs : « A dance that resembles someone running in place or a group of dances made popular by the youth of Harlem and the Bronx that include The Chicken Noodle Soup, The Tone Whop or Toe Wop, The Aunt Jackie », selon Urban Dictionary []
  2. avec toute la défiance que nous avons envers ce terme []

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