L'observatoireArticles

Mercedes : vendre une voiture en 2012, le b.a.-ba urba du DA béat

Le 30 avril 2012 - Par qui vous parle de , , , , , , dans , parmi lesquels

Vous l’avez forcément vue passer : la dernière publicité Mercedes, lancée en grandes pompes le 15 avril dernier, offre au téléspectateur une belle et longue minute de bannières étoilées sur une belle et fadasse bande-son de Kavinsky, violoniste pour l’occasion.

« Stars » : des étoiles en veux-tu en voilà, comme son nom l’indique. Inutile de chercher une explication capillotractée : il n’y a là qu’une allégorie très premier degré du logo de la marque… Vous pourrez toutefois compter sur les publicitaires qui en sont à l’origine pour vendre l’enluminure habituelle :

Révélation cosmic pour l’emblématique marque de voitures allemandes : Mercedes-Benz se lance dans le tuning [sic] de son image de marque avec BBDO Paris en mettant en avant son iconique logo. La fameuse étoile est en effet la source d’inspiration de cette publicité de marque et nous entraîne dans roadtrip 5 étoiles [re-sic] réalisé par l’équipe H5.

Au-delà de ses couleurs chatoyantes, le spot a un grand mérite : servir de « petit précis illustré » des trois-quatre tendances fondamentales du marketing auto en 2012. Autrement dit : amis publicitaires, si vous ne savez pas quoi mettre dans votre prochain spot pour [insérer ici marque de voiture], prenez des notes. C’est facile, et ça tient en cinq points. Récapitulatif, à toutes fins utiles :

Leçon n°1. Faire battre son coeur de geek vieillissant

Le marketing auto peut-il encore se passer des imaginaires vidéoludiques ? Question rhétorique, tant la réponse est évidente ! Je vous renvoie à mon énième dernier texte sur le sujet pour vous en convaincre, si cela était encore nécessaire. Comme dans le cas de l’installation Smart E-Ball (réalisée par BBDO Allemagne, quelle coïncidence), le rétrogaming est à l’honneur avec quelques secondes volées à un jeu de shoot spatial très années 80 (si vous avez le nom…).

Inutile d’en rajouter des couches, l’idée est basique : jeu vidéo + pub auto = la tête à toto.

Leçon n°2. Rouler des mécaniques

Là encore, le concept est simple : l’imaginaire du skate fonctionne parfaitement : en plein retour de hype, le skate profite d’un regain d’aura mainstream. Alors, pourquoi s’en priver ? Et peu importe que cette énième intégration des glisses urbaines vient s’ajouter à la longue litanie des modes doux et actifs (vélo, marche, skate, bus, etc… autrement dit, tout sauf la voiture) effrontément récupérés par le marketing automobile qui les a si longtemps méprisés… (cf. Quand la voiture marche sur les pas du joggeur).

Ajoutez à ce skate le passage furtif d’un vélo pour montrer que vous avez le souci du détail (c’est encore mieux si c’est un fixie). Un skate, un vélo : vous pouvez dire « banco ».

Leçon n°3. Lui démontrer qu’on est encore jeune

Ajoutez à cela une touche de tendances un peu hipster, avec la figure du street-golf (qu’on aime beaucoup ici). Pas de commentaires sur ce point : il s’agit là d’une nouvelle pratique assez cool car encore relativement peu répandue hors des milieux jeunes-créatifs-urbains, mais qui parle malgré tout facilement au quidam. Toujours dans la tendance et toujours dans la bonne direction, donc.

Leçon n°4. S’inscrire dans l’air du temps

Et hop, un soupçon de parc d’attraction ? Logique : la « ville – parc d’attraction » est devenu l’imaginaire étalon des villes contemporaines (cf. exposition Dreamlands à Pompidou), bien qu’on puisse aussi s’interroger sur son évolution récente… (cf. Vers la ville-casino ?) Un imaginaire qui n’aurait pas pu être absent, tant la figure du parc d’attraction fait actuellement un retour en force fracassant dans les publicités du monde entier.

Leçon n°5. Jouer avec son corps

Terminons sur ce qui est peut-être le plus innovant (le seul ?) dans ce spot. Le sujet n’a jamais été abordé ici, mais Transit-City l’a largement commenté ces dernières semaines, et surtout dans un billet subtilement titré : « Un corps tatoué plutôt qu’une voiture ? » (cf. aussi ici). L’affaire tient en deux détail… sauf que les détails, les publicitaires ne connaissent pas. Est-il nécessaire de rappeler que tout ce qui est montré dans un spot est un signe, porteur d’imaginaires que l’on souhaite vendeurs, car en adéquation avec l’imaginaire en construction du consommateur. Autrement dit : ce tatouage et ce piercing ont été mûrement réfléchi, probablement soufflés par un planneur stratégique alerté par l’ami Bellanger ;)

Derrière l’imaginaire du tatouage se dessine en effet celui d’un nouveau rapport au corps – et donc à la mobilité urbaine. Le corps tatoué et piercé, lorsqu’il est ainsi mis en avant (et comment !), se veut une métaphore d’un corps hybride et augmenté ; une première ébauche d’un corps « post-humain ». La réinvention moderne de la figure du cyborg ne raconte pas autre chose :

We are shaped by the technologies because in integrating them, they become us. And though we can discard or upgrade them, this is no less true of our cultural selves. Who you are today is not who you will be tomorrow but those possibilities are shaped and constrained by the biology, culture and technology that is part of you.

Of all the images I’ve shown you, the true cyborg looks most like this. Look at her, wearable vision enhancements, removable cosmetic implants. And for all we know, veins coursing with drugs and nanoblood.

BBDO Paris réussit donc le tour de force de synthétiser en cinq images furtives un panorama actuelle des tendances urbaines au sens large. Qu’on aime ou pas le spot en lui-même, force est de constater un certain professionnalisme ; c’est d’ailleurs peut-être ce souci du détail et du « travail bien fait » qui rend le spot assez fade, au final. Mais qu’importe : la pub a réussi son pari, et distille progressivement ses imaginaires dans l’inconscient collectif. Ou quand le marketing auto devient prescripteur de tendances urbaines… on y reviendra dès cette semaine.

NB : on retrouve peu ou prou l’ensemble de ces imaginaires dans les campagnes d’opérateurs télécoms, en particulier dans les pays émergents, comme dans ce fameux spot pour Bahreïn Telecom où l’on remarquera la présence du jeu vidéo (et l’espace), des glisses urbaines, ou du parc d’attraction – en beaucoup moins lisse, d’ailleurs.

2 commentaires

  • Pour le jeux vidéo « shoot spatial très années 80 », je pense que c’est un hommage à Geometry Wars.. Tiens, bon choix !

  • A voir ce clip, j’ai tout de suite visualisé la réunion à Stuttgart avec un consultant expliquant au staff de la marque à quel point Mercedes a une image de voiture de vieux schnoque… Il y a vraiment un côté désespéré dans la façon de chercher une « street credibility » en cochant péniblement item après item…
    En tout cas l’article est très bien vu :)

Laisser un commentaire