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Mélodie des malls : notre playlist des lieux de chalandise #1

Le 29 mars 2016 - Par qui vous parle de , , , dans , parmi lesquels , , , , , , , , , , , , , , , ,

On a trop peu souvent l’occasion de vous parler musique dans ces colonnes, et pourtant le prisme est phénoménal… Certes, on s’est déjà essayé à quelques rapprochements harmonieux entre espaces urbains et symphonies en tous genres, mais le croisement des mélopées est tellement large que beaucoup de billets restent à écrire ! Aujourd’hui, on vous propose donc une éclectique playlist brassant du magasin en musique (et de la musique en magasin) : il y en a pour tous les goûts. Parce que pourquoi pas ¯\_(ツ)_/¯

Au programme : des clips de chansons tournés entre les étalages (1), de l’OST de scènes vidéoludiques prenant place dans des malls (2), de la musique spécialement conçue pour leurs enceintes (3), des compositions inspirées par ces haut-lieux de chalandise (4), et enfin : de la mise en scène réelle (amateur ou non) dans les commerces, car ce sont aussi des espaces où l’on chante et danse dans la vraie vie (5) !

Ce qui nous intéresse dans cette modeste collection, c’est évidemment la variété des détournements – tous plus ou moins liés à la musique – de ces lieux de consommation. S’il est composite, le panel d’hybridations compilé ici montre que supermarchés, grandes enseignes et malls géants ont pénétré l’imaginaire collectif de façon tout à fait notable. Dans ce premier billet consacré aux thèmes et représentations mêlant supermarket & musiquette, on commencera par quelques observations liminaires à propos du genre. Lecture conseillée avec notre playlist dans les oreilles, évidemment !

Supermarket Original Soundtrack

Il semblerait que la « musique de supermarché » à l’ancienne (pas les Wati By Night ou les Manhattan Kaboul entêtants de nos Franprix, donc) ait inspiré plusieurs générations de zicos, que ce soit les compositeurs de bandes originales de jeux vidéo ou certains artistes, de Jean-Michel Jarre à une poignée d’indépendants perdus dans le web. Ainsi, la musique « originelle » de la zone commerciale apparaît à peu près en même temps que les premières galeries marchandes modernes, dans les années 1920. Vous voyez sûrement à quoi ça ressemble : des mélodies à la pointe du easy listening, proches de « la musique d’ascenseur » et plus spécifiquement appelées « muzak« .

« La muzak proprement dite repose sur des cycles d’une quinzaine de minutes, au cours desquelles le rythme s’élève progressivement. Elle est censée masquer discrètement les bruits désagréables — voix, bruits ambiants — et augmenter soit le bien-être sur le lieu de travail (hôtesses), soit la disposition à acheter des consommateurs. La réorchestration que ces œuvres subissent leur enlève toutefois quelque pouvoir émotionnel, ce qui fait partie d’ailleurs des buts recherchés. Pour cette raison, elle est parfois critiquée comme une forme de manipulation inconsciente. »

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Ambiance muzak en version accélérée pour une ride-chill de qualité

Rapidement identifiable et « rassurante » la musique de grande et petite surface incarne donc un sous-genre musical, devenu culte, et maintes fois caricaturé. Les jeux vidéo s’en seront en effet inspirés pour mettre l’ambiance dans leurs espaces commerciaux polygonaux – à l’instar des merveilleuses compo d’Hideki Okugawa pour les six mall tracks de Dead Rising 2. Si celle de GTA Vice City est beaucoup moins plaisante, écoutez et réécoutez donc les entraînantes mélopées du « Coconut Mall » de Mario Kart compilées ci-avant.

L’autre réappropriation récente de la muzak a pris racine dans une vague de genres musicaux des années 2010 qui se caractérisent par une production indépendante sur internet. Plus communément appelée vaporwave, le mouvement se présente de la sorte :

« It is characterized by a nostalgic fascination with retro (typically that of the 1980s, 1990s, and early-mid 2000s) cultural aesthetic, video games, technology and advertising, and often involves the fusion of modern popular music with lounge, smooth jazz and elevator music. Musical sampling is prevalent within the genre, with samples often pitched, layered or altered in classic chopped and screwed style. Central to the style is often a critical or satirical preoccupation with consumer capitalism, popular culture, and new-age tropes. »

Dans la playlist, le genre est représenté par les quelques titres de 식료품 groceries, un artiste new yorkais indépendant diffusant ses albums sur Bandcamp, Soundcloud – et qui n’aura pas manqué de vernir son univers musical d’une identité visuelle sur Tumblr (comme la plupart des productions de ces mouvements musicaux nés sur le web).

« One of the earliest associates of Dream Catalogue, 식료품groceries has become known for his original take on the mallsoft concept, exchanging the pristine hypermall of past works for the gritty midnight Korean store of ‘슈퍼마켓Yes! We’re Open’, which has become something of a cult classic over time. »

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Déjà évocateur, le titre de l’album est appuyé sur Bandcamp par la baseline suivante : « As always, we thank you for shopping with us. We are open 24 hours a day for your convenience. »

Pour notre plus grande fascination, le mot est lancé : « mallsoft concept« . Accompagné parfois de ses ironiques petits frères qui tiennent du génie : #dreampunk #flavorwave #sodapop #softcore #shelfwave. Avec un petit crush sur le dernier, qui est proprement intraduisible mais qui – en gros – définit un style musical associé au rayonnage des supermarchés. Comme si chaque élément de la société de consommation pouvait donner naissance à un mouvement artistique, tant le phénomène a pénétré l’imaginaire collectif… Avant de vous quitter (et de vous donner rendez-vous jeudi pour le deuxième volet de ce diptyque d’articles en cours), on vous laisse avec ce commentaire d’un fan, laissé sur l’un des réseaux de diffusion du compositeur 식료품 groceries :

« I imagine I’m in a grocery store, filled with endless immaculate rows of beautiful produce and shiny packaging… but the building doesn’t have walls. Instead, everything is inside a vast, white, cavernous expanse. Time doesn’t exist. Space is circumvented. All that remains… is a soothing (idealised, manufactured, and illusory) retail experience. »

Le délire est tellement gros qu’on ne sait plus qui, de l’ironie ou du consumérisme absurde, contrôle le marketing de cette vague musicale. Suite au prochain épisode pour un commentaire plus large des portraits musicaux associés aux lieux de chalandise amassés en introduction de cet article…

Please enjoy your shopping trip~ ♫♪

 (1) 8, 9, 14, 16, 21, 24, 29, 30, 31, 32, 35, 36, 37, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 48, 49, 50, 52
(2) 2, 13, 19, 27
(3) 1, 6, 7, 28, 39, 46
(4) 3, 5, 15, 20, 23, 33, 34, 51
(5) 4, 10, 11, 12, 17, 18, 22, 25, 26, 38, 4

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