20 février 2012
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L'observatoireArticles

No k-pop, no way ! Le marketing territorial pour les nuls (et les adolescent.e.s)

Le 20 février 2012 - Par qui vous parle de , , dans , parmi lesquels , , ,

Voilà ce qui arrive quand confie les clés de son marketing territorial à un boys-band en vogue (ndlr : en 2010, mais la vidéo est toujours d’actualité) :

Kitschissime ? Je vous l’accorde. Mais il serait pour autant bien dommage de jeter ce clip avec l’eau du bon goût. Car la simple présence de ce spot en dit long sur le rôle que joue la k-pop (la pop sud-coréenne, déjà évoqué ici), et plus globalement les pop-cultures coréennes (notamment les dramas télévisuels) dans le développement économique et la reconnaissance de la péninsule à l’international. Une industrie qui pèse son poids : 4,2 milliards de dollars de recette via les exportations culturelles en 2011, ça commence à devenir significatif.

Ce faisant, la k-pop est devenu en quelques années l’un des plus grands pourvoyeurs d’imaginaires de marques (Samsung, Hyundai, etc.), bien au-delà de ses frontières : d’abord en Asie (Chine, Japon, Thaïlande, etc), puis aux USA… et plus récemment en Europe, en particulier en France. Vous remarquerez au passage que nombre de ces marques concernent – directement ou non – le futur de la ville : smartphones et automobile, un diptyque de la k-pop ? (il n’y a qu’à voir les clips promotionnels pour le LG Chocolote, sortie en 2010 : ici la version des f(x), là celle des Girl’s Generation).

Transit-City a particulièrement bien résumé la situation lors d’un récent atelier auquel j’ai eu le plaisir d’assister : Et si c’était en Corée que s’inventait une partie de notre avenir urbain et mobile ?

Et si on essayait de sortir de nos clichés pour mieux comprendre ce qui se passe en Corée du Sud ?
Et si on tentait de comprendre ce qui se cache derrière Samsung, Kia, LG, Hyundai ?
Et si c’était en Corée du Sud que s’inventait une partie de notre monde urbain dense et connecté ?
Et si entre la Chine et le Japon émergeait une nouvelle puissance créative ?
Bref, et si c’était « là-bas » que s’inventait la nouvelle modernité asiatique – et donc mondiale – du XXIe siècle ?

Dans sa présentation, l’orateur Pascal Dayez-Burgeon (diplomate en Corée du Sud de 2001 à 2007 et auteur du récent Les Coréens), a évidemment abordé le rôle de cette pop-culture dans la diffusion des produits coréens en évoquant l’impact du « hallyu », la vague culturelle sud-coréenne, qui ne profite pas qu’aux marques mondialisées. Le tourisme connaît en effet un véritable boom, porté entre autres par ce déferlement culturel en Asie du Sud-Est. Quelques chiffres glanés sur Wiki : entre 2003 et 2004, le nombre de touristes étrangers s’accru de 2,8 à 3,7 millions de visiteurs ; ils étaient 6,4 millions en 2007, et plus de 8 millions en 2010. Alors forcément, qui mieux qu’un groupe de k-pop pour représenter la ville à l’international ?

Au final, qu’apprend-t-on dans ce clip promotionnel ? Que Seoul est une ville jeune, cool, sympathique, vivable… et surtout pétée de thunes ; il ne faut pas attendre 20 secondes pour voir un écran de la dernière génération (nous ne sommes qu’en 2010), et l’essentiel du clip se déroule dans un centre commercial. Aussi caricatural/pathétique que cela puisse (nous) paraître, c’est précisément ce qui attire les jeunes expatriés du monde entier (cette semaine, Courrier International consacre son dossier à ces « Européens qui partent » avec quelques exemples coréens témoignant d’une qualité de vie sans pareille).

Plus globalement, on retrouve dans ce clip tous les stéréotypes des représentations urbaines dans la k-pop, plus proches de Disneyland que des véritables rues séouliennes. Et tout de suite, les velléités hyperréelles d’une marque comme Samsung apparaissent moins surprenantes… J’y reviendrai dans un prochain dossier consacré aux représentations de la ville dans la k-pop. Pour l’instant, contentons-nous de saluer l’intelligence l’équipe marketing de Seoul qui aura réussi à admettre le pouvoir d’attractivité d’une pop-culture labellisée, aussi kitsch soit-elle. Parce que ça marche, et ça marche même très bien. Et si vous voulez mon avis, ça s’appelle faire preuve d’humilité quant à l’image qu’une ville souhaite donner d’elle…

NB : à moins de vivre sur la Lune, vous avez probablement entendu parler de la vague k-pop qui a inondé la France il y a dix jours, à l’occasion du Music Bank Festival in Paris et des nombreux reportages qui ont suivi dans les médias mainstream, désireux de rattraper leur retard (passage des Girl’s Generation au Grand Journal, etc).

J’ai eu la chance d’assister au concert grâce à l’excellent I Heart (lecture urbaine vivement recommandée), que je remercie au passage… mais aussi d’interviewer les Girl’s Generation, notamment sur la manière dont elles vivaient leur rôle de « vitrine » culturelle de leur pays. Compte-rendus à venir.

Et merci à K-pop Life de m’avoir signalé cette étonnante vidéo… Il ne nous reste plus qu’à nous en inspirer ! (ou pas, ou alors en moins friqué) A quand M Pokora et Shy’M pour représenter nos belles cités ? On a bien eu quelques tentatives dévouées ; mais forcément, ça fait moins rêver…

2 commentaires

  • Mes pistes de réflexions en vrac’
    – ça vaut le coup de se pencher aussi sur le rôle de la J-Pop dans le soutien aux régions sinistrées du Tohoku et de Fukushima.
    – lors de sa visite au Japon en 2013, F. Hollande a parlé de la stratégie du Japon d’utiliser Manga et animés pour attirer plus tard des jeunes ingénieurs ou chercheurs à venir étudier ou travailler. Le Japon et la Corée ont du mal à faire venir ces populations à cause de la langue. Ils doivent déployer de nouvelles stratégies.
    – enfin, il y a, je pense, un vrai changement entre la pop japonaise qui visait un marché intérieur et la pop coréenne qui touche toute l’Asie et à la marge nos contrées.

  • Mes réponses en vrac :
    – tu nous vends du rêve avec cette histoire de J-pop + Fukushima (enfin, du rêve… façon de parler). Tu aurais quelques exemples, clips ou articles à faire tourner ?

    – clairement, la réussite de la pop-culture coréenne est liée à son ouverture sur d’autres marchés, là où la pop japonaise est beaucoup trop « clivante »… Il suffit d’interroger quelques fans occidentaux de la première, sur leur rapport à la seconde, pour le mesurer. Les mêmes mots reviennent toujours : « la pop japonaise c’est pour les gamin.e.s et les otakus », etc etc. La pop coréenne a clairement voulu brasser plus large (références asiatiques + culture hip hop américaine) pour dépasser ses frontières… Et ça fonctionne plutôt pas mal ;)

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