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Futurs naïfs, plaisir coupable du vendredi soir

Le 26 février 2010 - Par qui vous parle de , , ,

Comment imaginait-on le futur dans les années 80 ? Pas si différemment qu’en 2010 ni qu’en 1960, à vrai dire. J’avais parlé de « path-dependancy » pour évoquer l’inertie navrante des perspectives urbaines que nous proposent nombre d’architectes (Panne d’imaginaire dans la ville1). De même, combien d’entrepreneurs nous resservent chaque année le frigo intelligent et la voiture volante, dont on voyait déjà les « prototypes » il y a des décennies, et qui finiront aussitôt aux oubliettes ?

Loin d’être un coup d’épée dans l’eau, l’analyse de ces « clichés » récurrents de l’innovation a de nombreuses vertus. Je vous invite à lire Nicolas Nova, qui décortique ces « failed futures » pour mieux tenter de les dépasser (voire aussi : Du RFID sur les trottoirs & User acceptance of the smart fridge). Jetez enfin un oeil à l’excellent Paelofutur, qui regorge d’illustrations géniales de ces « futurs qui n’ont jamais été« .

Tout comme Nicolas Nova, ces failed failures me fascinent. Un vrai pêché mignon. Je voue notamment un culte aux ouvrages de futurologie pour enfants, qui recèlent d’une certaine naïveté… rendant d’autant plus consternantes les innovations que certains adultes nous proposent trente ans plus tard ^^

futurcouvEn chinant hier, je suis tombé sur deux ouvrages du genre ; l’occasion de commencer une petite collection. Les livres datent de 1979 et sont plutôt doués pour les pronostics. Surtout, ils révèlent la prise de conscience de l’époque du déclin inévitable du système automobile. Ainsi apprend-on que la bicyclette « devrait être la formule idéale du transport particulier dans les villes de demain« . Banco.

J’en proposerais de temps en temps quelques scans dans la rubrique Futurs naïfs. J’espère que vous y trouverez le même plaisir que moi qui décroche un sourire attendri à chaque lecture. Exemple :

« Dans les années 90, presque tout le courrier sera expédié sous forme électronique : poster une lettre consistera simplement à la placer devant un écran. L’image sera alors transmise à un satellite qui la répercutera au destinataire. »

C’est mignon, non ? Je craque aussi le « bracélophone« , que l’on distingue à droite sur la couverture, et grâce auquel « il devrait être impossible de se perdre dans le monde de demain » :

« Voici un citadin qui est venu passer ses vacances dans le Sud tunisien. Le soleil décline et les dunes de sable semblent sans fin, un appel sur son « bracélophone » lui permet de signaler sa position et de recevoir les informations dont il a besoin pour retrouver sa route. »

Dans le mille. Cette prédiction résume involontairement les défis actuels de la géolocalisation et la nécessité de développer des outils « pour pouvoir se perdre » (moteurs de sérendipité, à venir dans un prochain billet). Un dernier exemple pour la route, qui propose une vision assez… péremptoire. Jugez plutôt :

« Une archologie [pour architecture et écologie] est construite. Il s’agit d’un vaste ensemble architectural pù des milliers de gens vivent dans une atmosphère très pure à l’abri de tout surpeuplement. Une telle réalisation est très critiquée par des individualistes impénitents qui la comparent à une ruche ou à une fourmillière. »

Si vous aimez l’innovation, volez un de ces ouvrages à votre petit cousin ! Outre leur fraîcheur, les « clichés » qui y sont présentés ont le mérite de ramener sur Terre quand on pense avoir trouvé l’idée du siècle :-)

  1. Ce billet est à l’origine un billet Chronos, qui lui-même rebondissait sur un post de Transit-City []

3 commentaires

  • Super article. Je suis moi même fan de ces ouvrages :-) Lors d’un stage à la rédaction de Science et Vie, j’ai eu l’occasion de me plonger dans leurs archives : tous les numéros depuis 1913… Un vrai trésor de « futurologie » qui devrait vous plaire (peut-être y a-t-il moyen de les consulter) ! Ils gagneraient d’ailleurs à les mettre en ligne avec des commentaires. J’ai hâte de voir vos prochains scans et l’article sur les moteurs de sérendipité.

  • Merci :-)

    Pour la petite anecdote, j’ai comparé ces livres à un ouvrage de prospective « pour adulte » acheté en même temps… Conclusion ? La vérité sort bel et bien de la bouche des enfants !

    J’espère pouvoir trouver d’autres exemples sympathiques dans les prochaines semaines. Il faudrait aussi jeter un oeil à un ouvrage contemporain ; quand on voit ce qui était écrit en 1979, on peut parier sur la pertinence de certaines « prédictions » ;-)

    Note : j’ai oublié de le préciser dans l’article, mais les deux livres achetés (l’autre est intitulé « Voyages dans le cosmos », davantage centré sur la conquête spatiale) ont été écrits par Kenneth Gatland et David Jefferis, qui n’ont pas l’air d’avoir chômé sur le sujet.

  • Philippe,

    Je tiens à mettre en avant la fraicheur de tes articles!!! En effets, quand je parcours tes lignes j’ai la drôle impression d’évoluer dans un univers futuriste où tout (ou presque) est permis comme dans les jeux vidéos.

    Cela donne sacrément à réfléchir…. les rêves d’hier sont devenus la réalité d’aujourd’hui!

    J’espère que tu pourras nous publier d’autres articles aussi intéressants.

    Bonne continuation.

    Un admirateur.

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