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Rétro-prospective 2013, comme si c’était demain

Le 9 janvier 2014 - Par qui vous parle de , , , , , , , , , ,

En octobre dernier, [pop-up] urbain a fêté ses quatre ans et quelques 300 billets publiés. 2013 aura surtout été l’année du grand chambardement pour notre petit blog, avec l’arrivée de Margot Baldassi pour doubler les effectifs, la constitution d’une SARL pour doubler les dollars, et la multiplication d’ambitieux projets tous plus jouissifs les uns que les autres.

Pour autant, notre conviction d’origine demeure toujours intacte. Celle-ci se résume en une phrase : les cultures populaires offrent un éclairage précieux pour comprendre et anticiper les mutations des territoires urbains, et nous nous donnons comme mission d’y plonger jusqu’au cou. On ne s’en plaindra pas, tant il s’avère plaisant de décrypter les imaginaires urbains que nous offrent chaque jour le monde environnant.

Mais cela n’aurait évidemment pas de sens ni d’intérêt sans un prisme prospectif pour commenter, analyser, grattouiller ces imaginaires, de les mettre en regard de réalités urbaines émergentes. C’est l’objectif de ce bilan non-exhaustif, sorte de relais-étape destiné à prendre le pouls de l’année écoulée, avant de lancer 2014 à grands renforts de turfu. Nous espérons que vous y trouverez de quoi nourrir vos propres réflexions prospectives, et nous vous souhaitons le meilleur à venir,

Philippe Gargov

Décrypter les imaginaires urbains

Autant être tout à fait sincère avec vous : il est difficile de trouver travail plus agréable que celui consistant à farfouiller la culture populaire. Cet heureux prétexte sous la main, nous nous sommes donc plongés (ou replongés) dans nos œuvres fétiches en quête de représentations urbaines iconoclastes. Le cinéma a bien entendu été mis à l’honneur (1), mais pas autant que les phylactères qui auront grandement éclairé nos cerveau cette année (2).

La liste serait évidemment incomplète sans le médium vidéoludique, notre passion première (3), que Margot est venue revitaminer avec un mémoire de fin d’études que nous publierons dans l’année. Les liens entre villes et jeux vidéo seront d’ailleurs au cœur de plusieurs de nos projets, dont nous vous tiendrons bien évidemment informés.

A ce joyeux pot-pourri s’ajoutent nos habituelles « autopsies » des grandes figures urbaines, ces archétypes de villes dont la pop-culture aime tant se délecter (4), et qui s’avèrent toujours d’excellents révélateurs pour comprendre les tendances de fond qui restructurent la ville contemporaine. Difficile de s’en lasser, tant le corpus est dense et sans cesse enrichi. A ce titre, vos alertes nous sont toujours précieuses : n’hésitez pas à signaler les œuvres qui aiguisent votre curiosité, voire même de proposer vos propres contributions, nous sommes toujours preneurs de ces regards alternatifs !

(1) Transperceneige et le train du futur
(2) Villes et mangas, desseins croisés
Géographie d’une Afrique en mutation
(3) Qu’est-ce qu’une bonne ville de jeux vidéo ?
Entretien avec Tony Fortin
Cartographier, une manette à la main
Watch Dogs, un jeu enfin urbain ?
(4) La ville submergée, une utopie pour alarmistes ?
Le souterrain, un imaginaire urbain en cours de revalorisation

Sus aux sirènes de l’innovation

Mais qu’on ne s’y trompe pas : se plonger dans les imaginaires, et plus encore dans l’innovation urbaine, ne signifie pas de le faire sans prise de recul. Les mutations de la ville ne sont jamais ni toutes noires, ni toutes blanches, c’est une évidence presque tautologique. En 2013, comme hier, comme demain, nous nous sommes efforcés à creuser ces sujets pour tenter d’en repérer les zones grises et les zones d’ombres… quitte à parfois être rabat-joie, mais que voulez-vous : chassez le naturel, il revient en galion.

La figure de la ville fertile et nourricière aura par exemple été au centre de nos préoccupations. Rarement critiquée car relativement sexy sur le papier, cette figure urbaine éminemment tendance s’avère critiquable sur de nombreux points, qu’ils soient éthiques ou logistiques (1). De même, nos convictions en faveur des transports publics et contre l’hégémonie automobile ne doivent pas faire oublier les questions épineuses que posent inévitablement les proximités d’une rame de métro (2), par exemple. Idem avec le sacro-saint “effet Bilbao”, tant vanté par les gouvernants, et qui soulève pourtant des inconnues fondamentales en termes de transformations locales et plus précisément de gentrification (3).

Autre sujet de bataille qui nous tient particulièrement à cœur : le difficile rapport entre sport et territorialité que nourissent les tensions entre collectivités, stades et supporters, en particulier dans le football (4). Compte-tenu des enjeux économiques et sociétaux qui entourent l’industrie du sport et ses principaux acteurs, il nous a en effet semblé impératif d’inscrire ce sujet à notre to-do list. Ce sujet sera d’ailleurs étayé par plusieurs projets dans le courant de l’année, année de Coupe du Monde oblige…

(1) Et l’éthique animale, dans tout ça ?
L’herbe est toujours plus verte ailleurs
(2) Genre et transports publics, la guerre est déclarée
(3) La ville culturiste, à urbaniser avec modération
(4) Entretien avec Ludovic Lestrelin
La ville-stade, caricature catalo-qatarie

L’intelligence n’est pas celle que l’on croit

Cette année 2013 aura également été marquée du sceau de la “ville intelligente”. Celle-ci s’est en effet largement démocratisée après des débuts téméraires les années précédentes, portés par le soutien communicationnel offensif de quelques grands groupes… mais aussi l’indulgence de nombreux gouvernants, qui voient d’un très bon œil ce déluge d’innovations électoralement prometteuses.

Nous en avons pourtant peu parlé sur ce blog, comparé aux années précédentes. Peut-être parce que tout a déjà été dit sur le sujet, et souvent bien mieux que chez nous. Notre regard sur la question n’a d’ailleurs pas changé d’un iota depuis l’arrivée de la Smart City dans le scope de notre veille. Si nous reconnaissons de nombreuses vertus au numérique urbain (1), il nous semblait impératif de rappeler cette évidence : la technologie ne suffit pas à rendre l’urbain plus malin, loin s’en faut.

Reformulons donc une dernière fois nos convictions sur le sujet. L’intelligence de la ville ne réside pas dans son enveloppe technologique, mais plutôt dans les modus operandi qui accompagnent ces mutations numériques (2). Tout l’enjeu des méthodes d’innovation dites « agiles », que conceptualisent et mettent en oeuvre plusieurs de nos complices, visent ainsi à réparer les lacunes de la Smart City en termes d’inclusion – des citoyens, des objets obsolètes, des territoires orphelins, etc.

L’exemple du périurbain est à ce sens révélateur, trop souvent ignoré des politiques d’innovation technologique, et qui s’avère pourtant gorgé de potentialités vertueuses (3). Une certaine dose de bon sens ne ferait pas de mal à nos décideurs. Ainsi qu’un soupçon d’humilité, peut-être ?

(1) Entretien avec Olivier Seznec
(2) Gouvernances de l’intelligence, enjeux d’échelles
(3) Entretien avec Martin Vanier

Créationner la ville agile

Prenons le cas des mobilités automobiles en France, en Europe et en Occident. On a coutume de vouloir innover pour changer ce secteur sans jamais poser les questions qui fâchent (à savoir : faut-il euthanasier le paradigme automobile ?) La ville intelligente aurait pourtant beaucoup à apprendre d’autres univers, qu’il s’agisse d’autres imaginaires ou d’autres continents. On pourra par exemple se pencher sur les “informalités” africaines, asiatiques ou sud-américaines (1) – sans oublier qu’il en existe d’aussi stimulantes plus près de chez nous, évidemment ! Nos efforts en 2014 se concentreront sur la quête de ces nouveaux horizons, pour tenter de nourrir la ville d’un soupçon d’intelligence supplémentaire.

Celle-ci ne s’incarne donc pas exclusivement dans le numérique, bien au contraire. C’est l’un de nos grands chevaux de bataille : il est aujourd’hui prioritaire de rendre l’espace physique plus « astucieux ». Compte-tenu de la vitesse des transformations que connaissent les villes et au contexte de crise écologique pesant sur elle tel le Masamune de Damoclès, même la plus petit économie de ressources s’avère une précieuse victoire sur le temps qui passe. Celles-ci peuvent se nicher partout, et concernent toutes les infrastructures physiques de l’espace urbain.

Le cas des cabines téléphoniques, mortes prématurément sous le joug du mobile-roi, nous a ainsi semblé particulièrement significatif (2). De même, nous avons tenté de voir comment les commerces pourraient eux-aussi entrer de plain-pied dans une ère de changements délurés (3), ou comment nous pouvions déconstruire les définitions de l’habitat pour mieux les renouveler (4). Tous ces éléments, emblématiques d’une certaine inertie de la ville moderne, gagneraient en effet à être réinventés, re-bricolés, à l’aune de la créativité qu’on saura leur donner.

(1) Le taxi collectif, transport (très) en commun
(2) Espèces en voie d’extrication
(3) Mutants mutandis, récit de la ville marchandise
Commerces hybrides, vers l’infini et au-delà
(4) Déconstruire l’habitat, de la sémantique aux pratiques

Emportés par la fougue

Pour ce faire, une seule condition : se laisser aller à toutes les libertés. Rien ne serait plus préjudiciable à l’innovation que les œillères qu’on souhaiterait lui coller (et qu’on se colle quoiqu’il arrive, il faut bien l’admettre). Le futur de la ville doit s’interroger sans limites ni barrière. Pour s’en convaincre, rien de mieux que d’aller fréquenter quelques fanfarons délurés mais pas pour autant dénués d’esprit : de tels mentors nous renseignent sur ces autres manières de percevoir et concevoir l’espace urbain, à grand renfort de lol et de kiffage (1).

Nos explorations en terres inconnues se prolongeront autour de ce dyptique, auquel on associe volontiers une certaine dose de polissonnerie bien sentie (2). On ne se refait pas ! De même, nous nous autoriserons plus régulièrement l’enthousiasmant terrain de jeu des « What if ?« , aka le « Et si ? » comme méthode de projection anticipatrice aux nombreuses qualités (3)

Notre conviction s’est finalement résumée dans l’un de nos derniers billets de 2013 : il manque à la prospective un soupçon de « poil à gratter » pour la rendre plus pêchue, plus volontariste, mais peut-être aussi plus réaliste (4). Ce sera l’une de nos principales missions cette année, avec de nombreux projets qui seront distillés sur ce blog (et un autre en préparation) dans les prochains mois. Au moment de conclure cette sélection, il nous semblait nécessaire de vous remercier – pour votre fidélité, vos commentaires, vos discussions, vos idées. N’hésitez d’ailleurs pas à nous rejoindre dans ces joyeuses conversations réticulaires, que ce soit ici ou sur les réseaux dédiés. Notre compte Twitter et notre page Facebook sont là pour ça, car comme le dit l’adage : on est jamais si bien servis que bien accompagnés.

(1) Entretien avec Deux Degrés
Vis la ville en YOLOrama
(2) Masturbanité : les libertins guidant le peuple
(3) Et si les villes étaient cotées en bourse ?
(4) Au-delà du design-fiction, le design-friction

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