8 avril 2012
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L'observatoireArticles

Génération « fucked up » : les transports en commun, c’est beaucoup plus marrant

Le 8 avril 2012 - Par qui vous parle de , dans , , parmi lesquels , ,

Intéressante réflexion sur les nouveaux imaginaires de la mobilité adolescente, à lire sur Grist (via @ehooge). Rebondissant sur un article du New York Times1, l’auteure y déclame sa flamme pour le bus avec un titre intriguant : « Les bus, nouveaux véhicule de la jeunesse rebelle », faisant écho au film Génération rebelle (Dazed & Confused, 1993), qui prend place dans les années 70, et présente la voiture comme l’objet adolescent de référence qu’elle était à l’époque.

Malheureusement, le texte se révèle n’être au final qu’une odelette assez proprette sur les transports publics ; une relecture assez candide des vertus des alternatives à l’auto individuelle, désormais largement partagée. Ce n’est qu’en conclusion que la « rébellion » refait son apparition :

“Taking the metro is like the raft in Huck Finn. You can be as fucked up or loud or smell-like-dog-piss or opinionated or personal or philosophical as you want to and no one can do anything about it.”

[Traduction personnelle] « Prendre le métro, c’est comme prendre le radeau de Huckleberry Finn. Tu peux être aussi barré ou braillard ou puant la pisse ou buté ou dans ta bulle ou philosophique que tu le souhaites, et personne ne peut rien y faire. »

C’est là toute l’essence des transports en commun. Prendre le métro ou le bus (voire les mobilités en partage), ce n’est pas seulement effectuer un geste altruiste pour sauver la planète, ni même pour « parcourir son territoire d’une manière neuve » – même si cela en fait évidemment partie. Pénétrer un transport en commun, c’est se projeter avec plus ou moins d’agressivité dans l’intimité de l’autre… et accepter en retour la perméabilité de sa propre intimité, avec toutes les frictions que cela implique.

De même que la sociologie est un sport de combat, « le métro est un sport collectif« , comme l’écrit Bertrand Guillot, où chacun joue son rôle sur le terrain, beaux gestes et tacles par derrière y compris :

« La comédie n’est pas exclue, la romance non plus, le drame pointe parfois… Bref, aujourd hui, le romanesque est dans le métro, bien plus que dans les séries ou la télé-réalité. »

Et c’est ce romanesque de la mobilité avec accrocs qu’il s’agit de matérialiser, en termes marketing, dans la fabrication d’un véritable imaginaire des transports en commun, plutôt que la lisseur écoresponsable qu’on lui donne aujourd’hui (voire encore plus douteux). Car c’est le seul imaginaire qui me paraisse suffisamment puissant pour faire écho auprès des jeunes générations, dont les idéaux rebelles et libertaires se reporteront naturellement vers l’automobile si les transports collectifs ne leur ouvrent pas suffisamment la porte (ce qui est malheureusement le cas aujourd’hui). Ou, pour reprendre la conclusion de Grist :

In other words, who needs a ’75 El Camino to have fun when you can be dazed and confused on the bus?

[Traduction personnelle] : En d’autres termes, qui veut d’une Chevrolet El Camino [l’une des voitures utilisées dans le film Dazed and Confused] pour s’amuser, quand on peut être foutraque et sidéré dans le bus ?

Encore faut-il le leur permettre… Certains l’ont d’ailleurs bien compris. Ce sont les apôtres de cette génération rebelle eux-mêmes qui en donnent la « meilleure » preuve :

Hahaha. Plus sérieusement, même s’il ne faudrait pas sous-estimer le pouvoir révélateur des Be Wiz U, on se dirigera plutôt vers d’autres univers moins gentillets, symbolisées par les Lascars ou la belle Beth Ditto (cf. Quand transport rime avec dancefloor, par Philippe Hurtaux) :

L’attractivité des transports publics se joue aussi sur ce terrain, et non celui des vertus enchanteresses et durables. Il faudrait vite en tenir compte, si l’on observe que cette génération éduquée à l’ère post-automobile sera bientôt la principale clientèle des mobilités urbaines…

  1. qui découvre donc en 2012 que les constructeurs auto feraient bien de jeter un oeil sur l’iPhone, LOL []

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