23 mars 2015
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GTA : casse-toi tu joues, et marche à l’ombre

Le 23 mars 2015 - Par qui vous parle de , , dans parmi lesquels , ,

Il serait inutile d’énumérer la longue litanie de raisons qui font de Gran Theft Auto, ou GTA pour les intimes, le parangon de notre sujet fétiche : « quels liens entre villes et jeux vidéo ? ». Nous avons eu l’occasion de citer cette saga à de nombreuses reprises, qu’il s’agisse de parler cinéma, urbanisme ou mobilité. C’est aujourd’hui ce dernier point qui nous intéresse, avec la sortie toute fraîche d’une vidéo singulière. Créée par les géniaux youtubeurs de 8-bit Bastards, elle nous initie aux charmes de San Andreas, comté imaginaire rassemblant trois métropoles, dans lequel se déroule l’épisode éponyme… ici vues du côté piéton.

Comme indiqué au lancement de la vidéo, cette expérimentation s’inscrit dans la lignée d’une longue et patiente exploration des mondes vidéoludiques, réalisée par le collectif ou par d’autres amateurs de marche virtuelle. San Andreas n’est d’ailleurs pas la plus vaste des villes visitées (cf. leur classement), mais c’est peut-être l’une de celles qui aura le plus marqué les joueurs. Peut-être (c’est subjectif) parce qu’elle s’inspire de trois « archétypes » de villes particulièrement emblématiques : Los Angeles (représentée par Los Santos), San Francisco (San Fierro) et Las Vegas (Las Venturas). Un peu comme une boîte de nuit « trois salles, trois ambiances », la map de GTA : San Andreas nous offre une pérégrination aussi dépaysante que diversifiée.

Mais au-delà des concours de pissous, la publication de cette vidéo nous interroge, en tant que gamers, sur la place de la marche dans les mondes vidéoludiques. Celle-ci, vous vous en doutez, est suffisamment rare pour que des articles entiers se consacrent exclusivement à ce passionnant sujet (ici en anglais, et en français). A en croire ces exégèses, la marche ne serait pas forcément la bienvenue dans nos univers virtuels, du moins dans le cas des mondes ouverts (elle est bien plus présente dans certains autres genres, tels que les jeux de rôle, et bien entendu la plateforme). Comme un symbole de nos villes contemporaines, qui ont durant des décennies accordé une place croissante à l’automobile, pour aujourd’hui s’en mordre les doigts jusqu’au coude ?

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L’autre singularité de cette vidéo réside dans le rapport au temps qu’elle introduit, ou plutôt qu’elle vient contredire. Ici, point de voitures pour aller plus vite, ni de métro pour se téléporter : on marche, lentement, paisiblement. La démarche contraste inévitablement avec les routines habituelles d’un jeu comme GTA, ou même de tout autre jeu dans lequelle la progression est symbolisée par l’apparition de nouveaux modes de transports, toujours plus rapide (y compris dans les jeux de rôle sus-cités). On y retrouve un certain plaisir du voyage, qui a quasiment disparu du paysage vidéoludique contemporain. Pour ne prendre qu’un exemple, le remake de Zelda: The Wind Waker sur Wii U a choisi de rendre les périples en bateau moins « ennuyeux », c’est-à-dire moins lents, alors même qu’ils conféraient à ce jeu une douceur particulièrement envoûtante. Le monde est ainsi fait qu’il veut toujours aller plus vite… Pour les plus pressés qui n’auraient pas envie de consumer 1h30 de leur vie, 8-Bit Bastards propose d’ailleurs une version accélérée de ses tribulations à travers San Andreas. Trois petites minutes de marche à pied, ça use encore les souliers ?

Etant d’humeur contemplative en ce début de semaine, on préférera se reporter sur les tribulations d’un autre marcheur, qui parcourt le monde de Minecraft sur ses deux jambes pixelisées… depuis trois ans maintenant. Merci à Martin Lefebvre de nous avoir fait connaître ce fascinant personnage, dans un entretien que nous vous recommandons vivement en complément de ce billet. Et parce que la contemplation rime souvent avec dissertation, nous vous laissons sur cette autre vidéo culte : une sortie de route toute en philosophie, dans le jeu de voiture Trackmania (l’un de nos autres jeux chéris, bien que nous soyons moins prolixes à son propos). Onze minutes pour « éclaircir le statut monadique de la finitude du polygone dans le monde vidéoludique« , que pourrait-on souhaiter de plus captivant ?

2 commentaires

  • Excellent, je pense que je n’ai jamais fait un GTA sans faire de grosses balades à pied (même les 2 premiers, ce qui permettait de trouver des bagnoles planquées dans des cours avec des missions bonus). On dirait presque qu’ils ont cet aspect en tête pendant le développement du jeu.

    La dernière video me rappelle les semaines (surement même les mois) durant lesquels j’ai conduit hors-piste dans une démo de Monster Trucks sur ps1, pour gravir obstacles et montagnes dans un décor type canyon. Fascinant, mais on était en temps limité à l’époque :(

  • C’est complètement fascinant comme vidéo. Ca commence comme un mauvais lendemain de cuite, où on se réveille sur une plage du mauvais côté de Los Santos, et où on est trop sonné pour prendre le métro. C’est le genre de marche obsessionnelle où tout ce qu’on voit de la ville c’est ce qu’il y a de plus moche a priori, les zones industrielles, les autoroutes, les carrés d’herbe déguelasses en bordure de nationale ; le même genre de situation où on refuse de revenir en arrière, quitte à devoir faire des détours de malade ou à devoir traverser à l’arrache une autoroute.

    Et puis il y a ces moments d’illumination, quand on se retrouve dans une plaine désertique, traversée uniquement par le bandeau noir d’une route, et qu’on suit une étoile unique qui brille au loin. il y a ces bâtiments uniques ou ces ponts qu’on aperçoit de loin et qui en sont transcendés au fur et à mesure que l’on se rapproche d’eux. J’ai pu voir une intervention d’Aurélien Bellanger la semaine dernière, qui revenait sur La théorie de l’information (un bouquin terrible), et sur la beauté que son personnage principal voyait dans un magasin Ikea au sommet d’une colline. C’est un peu ça, cette marche dans Los Santos.

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