15 juillet 2013
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L'observatoireArticles

La rue cause : entretien avec Olivier Seznec (Cisco France), responsable du projet « Boulevard Connecté » à Nice

Boulevard-connecte_Nice

Le 15 juillet 2013 - Par qui vous parle de ,

Les plus fidèles de nos lecteurs savent bien le regard critique que nous portons à l’égard de la « ville intelligente » et de ses grands tutélaires : IBM, Cisco, et autres industriels du numérique urbain. C’est précisément ce scepticisme qui nous avait amené à en formuler un contrepoint, incarnée dans la « ville astucieuse ». Faut-il pour autant se priver de comprendre ces Smart Cities appelées à dominer les métropoles du globe, et ce malgré nos résistances pas si futiles ? Bien au contraire.

Profitant de l’inauguration du « Boulevard connecté » à Nice, il y a tout juste un mois, nous avons souhaité interroger Olivier Seznec, directeur de la technologie chez Cisco France, aux premières loges dans cette mue numérique du Boulevard Victor HugoUne première mondiale de cette étrangeté qu’est « l’Internet des Objets Urbains », ou comment la captation de données en temps réel contribue à transformer les pratiques et gouvernances de la ville. Comment, et surtout pourquoi ?

On l’a dit, ce projet s’inscrit très directement dans la dynamique des « smart city », ou « villes intelligentes », très en vogue dans les métropoles du globe. Proche de nous, on citera par exemple Issy Grid, à Issy-les-Moulineaux, auquel a contribué Bouygues Immobilier. L’objectif est connu : l’agrégation de données quantitatives sur l’état du territoire permet aux collectivités concernées d’optimiser le pilotage de leurs infrastructures et services municipaux. Comme l’explique Olivier Seznec :

« Dans le cas de la ville, la multiplication des capteurs communicants, comme dans le cadre du boulevard connecté [200 capteurs ont été installés sur le boulevard], transforme totalement la nature et le nombre des données collectées. La ville possède et agrège les données d’abord pour son usage propre. La première priorité est d’exploiter intelligemment ces données afin de les utiliser dans les applications liées à la gestion de la mobilité, de l’éclairage, de la gestion de la propreté ou de l’environnement par les diverses directions-métier de la ville. »

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Mais avec Boulevard Connecté, Cisco et Nice souhaitent aller plus loin et ce, dès la conception du projet smart. Une logique pertinente, qui permet à la ville d’anticiper certains besoins émergents liés à l’ouverture de ces précieuses données :

« Il s’avère en effet que ces données peuvent aussi intéresser des acteurs privés, ainsi que les citoyens. Parce que les données sont centralisées et reposent sur des standards ouverts, leur ouverture est techniquement relativement aisée. »

Cela ne signifie pas pour autant que ces données doivent nécessairement être ouvertes au public. Il revient à la collectivité d’assumer ces choix :

« L’Internet des Objets n’implique pas l’Open Data. Un industriel qui équipe sa chaine de fabrication et sa chaine logistique de systèmes communicants (capteurs IP) n’ouvrira sûrement pas ses données. De la même manière, ce n’est pas parce qu’un serveur est connecté sur Internet que tout le monde y accède. Ce sont deux dimensions distinctes qui peuvent parfois se combiner.

La question de l’ouverture se pose vis-à-vis de la pertinence et de la confidentialité et non plus sur un problème technique comme on pouvait le rencontrer avec des systèmes fermés de gestion de la ville. L’idée d’ouvrir les données publiques est de créer de l’innovation. Cet aspect ne concerne pas directement Cisco et c’est à la ville de décider d’organiser l’utilisation des données ouvertes. Plusieurs villes en France ont des initiatives en ce sens. J’ai notamment en tête Rennes, avec son Collectif Open Data Rennes.

En résumé, l’Internet des Objets amène l’abondance des données, la ville décide de les rendre ouvertes et l’innovation survient de la société civile. »

On retrouve, en filigrane, le jeu d’acteur archétypal des métropoles contemporaines : aux côtés des collectivités et des opérateurs privés vient s’agréger le « tissu économique local » – appelons comme cela l’écosystème des développeurs indépendants, PME, start-ups ou même associations d’usagers qui peuvent tirer partie des données générées par le Boulevard Connecté.

Qu’en ressortira-t-il ? Déjà les premières idées émergent, dans le cadre de partenariats avec la ville et Cisco. Olivier Seznec cite ainsi « l’application Digital Graffiti, portée par la société GeekGaps, qui permettra aux citadins de poster des messages depuis le réseau Wi-Fi du Boulevard. Cela permet de relier virtuel et réel, les messages ne pouvant être lus qu’à l’endroit où ils ont été postés. »

Ce dernier exemple illustre bien les spécificités du Boulevard Connecté : si le concept de « smart » n’est pas inédit en soi, c’est ici son inscription à l’échelle hyperlocale de la rue – et non plus celle du quartier ou de la ville – qui le distingue d’autres projets proches. Une manière d’appuyer ce que certains ne cessent de rappeler : il est grand temps de réconcilier les projets urbains avec l’échelle du réel, celle du vécu de la ville.

Plus étendue qu’un bâtiment seul mais moins désincarnée qu’un quartier dans son ensemble : l’échelle du boulevard semble parfaitement idoine. On suivra donc de près les évolutions et applications qui émergeront de ce laboratoire à ciel ouvert dans les prochaines semaines, les prochains mois et les prochaines années.

Sisqo/Cisco, la dance est la même

 

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