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Berlin la verte, Berlin la bricolée : carnet de voyage en terres réappropriées

Le 26 mai 2015 - Par qui vous parle de , , , , dans parmi lesquels , , ,

Un récent séjour dans la capitale allemande nous aura permis de déambuler nonchalamment dans l’étendue de ses rues, le temps d’un weekend prolongé. Aidés de quelques clichés perso, on ne pouvait pas s’empêcher de vous rapporter les modestes extraits urbains compilés ci-après. Berlin représente depuis dix-quinze ans une destination plus qu’appréciée chez les jeunes et moins jeunes, que l’on s’y rende pour arpenter l’Île aux Musées, tester drogues et minimal en club, ou bien prendre un selfie dans le très étrange Mémorial de l’Holocauste. Forte de ses 3 872 hab/km² et de ses 2500 espaces verts et ouverts (à titre de comparaison, la densité parisienne est de 21 258 hab/km², pour 450 espaces verts dénombrés en 2008), Berlin apparaît donc, pour le parisien en goguette, comme une ville spacieuse, rafraîchissante et dotée d’une verdure salvatrice et toujours accessible.

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En plus de cela, la capitale allemande garde évidemment son étiquette de « ville alternative« , pour ses friches, ses squats, sa culture libertaire, sa vie nocturne, son niveau de vie relativement modeste, ou encore l’apparente absence de contrôleurs dans son réseau de transports sans tourniquets. Bien que l’embourgeoisement de cette géante européenne soit pointé du doigt depuis plusieurs années, les urbanités berlinoises ont su garder de leur charme, entre mobiliers bricolés ou peints à la main, politique de recyclage malin, graffiti et stickers omniprésents, et autres cyclistes impitoyables… Ce billet souhaitait leur rendre hommage, à travers une petite compilation de miettes berlinoises croisées au fil de nos pérégrinations dans cette cité lourde d’Histoire et de modernités.

30 millions de jardinets

Mis à part ses multiples SpielPlatz (jardins d’enfants) ou ses bois historiques, les bouts de verdure essaiment les rues et avenues berlinoises, de la balconnière expansionniste aux jardins partagés en plein milieu du vide urbain. A l’image des agencements fertiles sur la voirie japonaise, ou des îlots fleuris mis en commun aux pieds des arbres lyonnais, voici une poignée d’aménagements  bourgeonnants à même la rue berlinoise :

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1/ Au coeur du trottoir, on se croirait dans le jardin de maman avec ces herbes folles et ces pensées éparpillées.

2/ Exemple simple de recyclage que l’on croise un peu partout dans la ville – entre un vélo ratatiné au pied d’un poteau auquel on aurait arraché les roues, et un Döner Kebab à la devanture enflammée. De surcroît, on peut dire que la reconversion du pneu est à la mode – n’en déplaise aux fans de Mad Max, dernière oeuvre post-apo (déjà culte) en date.

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1/ Et si la rue devenait un vrai jardin de mémé ? Petites clôtures en fer forgé blanc antique par-ci, tulipes rouges par-là : rien de tel pour donner un peu de personnalité aux parcelles verdoyantes qui décorent nos pavés.

2/ Les rebords de fenêtre représentent une infime propriété à décorer, encore plus étroite que le balcon ou le perron. Ici, l’aménagement végétal met en lumière la créativité enfantine de cet établissement scolaire.

Mon espace public est à nous

A compter du 8 mai 2010, Berlin s’est dotée de l’un des plus grands espaces verts publics au monde : le célèbre aéroport abandonné de Tempelhof.

« Un référendum à caractère consultatif sur l’avenir du site s’est tenu le 27 avril 2008. Cependant, si environ 60 % des suffrages exprimés s’opposaient à la fermeture de l’aéroport, le chiffre de participation minimal de 25 % n’a pas été atteint, et les autorités berlinoises ne s’estimaient donc pas liées par les résultats. Par conséquent, il a été fermé le 30 octobre 2008. Dans un premier temps, le trafic a été dévié vers Tegel, puis vers l’aéroport international de Berlin-Schönefeld agrandi pour l’occasion. Différents projets de reconversion sont actuellement à l’étude pour les bâtiments et les pistes. »

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Réouvert au public le jour de la commémoration du 65e anniversaire de la capitulation du IIIe Reich, ses 380 hectares (341 pour Central Park à New York) font aujourd’hui le bonheur des baladeurs en quête de calme, des « kite-skaters » adeptes de sensations fortes, des joggeurs champêtres, joueurs de Kubb et autres groupes d’amis parés pour faire un barbeuk’ OKLM. Au coeur de ce type de pâturages urbains, le barbecue tient d’ailleurs une place de choix. Les riverains germains s’y retrouvent donc pour partager grillades et boissons, lorsque le temps le permet ! Petite précision : si vous êtes berlinois mais que vous ne possédez pas de barbecue, l’Edeka, le Lidl, l’Aldi ou le Kaiser du coin vous dépanneront volontiers le soir venu grâce à « die Einweggrill« , un barbecue jetable disponible à 2 ou 3 €.

Mais une balade à Templehof, c’est surtout l’occasion d’approcher un Berlin encore plus bricolé, avec son jardin monté-partagé et son terrain de golf en récup’. Si L’Obs titrait dernièrement sur « Berlin, capitale des hackers« , force est de constater qu’elle demeure également le QG des « makers » ! Jugez par vous-même :

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Willkommen !

Après s’être promenés dans l’immense parc de l’ancien aéroport de Templehof, nous avons tenté de rejoindre l’une des stations de métro limitrophes. Quel régal de tomber alors, à l’une des extrémités de cette vaste étendue de béton reconvertie en prairie, sur une pépinière bidouillée avec quelques planches, divers rondins de bois et une poignée de graines !

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Dans ce jardin alternatif bricolé à main nue, sculptures de bois et plantations sont agencées dans une scénographie surprenante

 

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Table de pique-nique clouée sur trois bûches et sculpture zoomorphe toute en branches

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Bac à fleurs aux allures de chez soi évoquant la voie lactée, couplé à un totem d’un nouveau genre et son couvre-chef astucieusement recyclé

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« Stadtacker/StattAcker » est un organisme qui met en valeur des portions de territoires urbains par des projets de jardinage collaboratif. À but non lucratif, ces programmes tendent à transformer l’espace existant – vide ou laissé à l’abandon – en un vaste « champ artistique à usages multiples », notamment grâce à la participation du public dans la réappropriation des lieux. Aux côtés de cet aménagement typiquement berlinois se tenait d’ailleurs un second encore plus cool et moins désert… Admirez ce mini-golf fabriqué à partir de rien par une poignée d’artistes :

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Tous les encombrants et morceaux de ferraille sont les bienvenus, pourvu qu’ils soient mis entre les mains d’un bidouilleur créatif

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Du côté de la piste 17 vous trouverez des tuyaux plus qu’il n’en faut, une tirelire petit cochon à dégommer, une cuvette de toilettes en grande forme… 

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Ce vélo argenté aux ailes bien soudées donne autant envie de jouer que de s’envoler

Après une rapide recherche sur le web, on apprend ainsi que cette géniale installation, baptisée « Nuture Mini Art Golf« , constitue un projet artistique mettant en lumières les questions écologiques et reflétant « le futur de notre interaction avec la nature, d’une manière vraiment ludique. » En vidéo, ça donne ça.

« Ce sont des œuvres d’art interactives qui fonctionnent comme un jeu de flipper . Les pistes changent, s’allument, font des sons et réagissent aux joueurs. Les activités individuelles se répercutent sur différents équipements – de sorte que, par exemple, un coup sur la piste 2 déclenche un capteur qui mènera à l’inondation de la piste 16… Une interdépendance existe d’un point de vue artistique et d’un point de vue ludique. Les «acteurs» sont en plein milieu, ils participent et influencent en même temps le développement du terrain de golf dans son ensemble. » 

Tempelhof constitue aujourd’hui une surface démesurément vaste que la municipalité a pour projet de remplir. Si les idées d’aménagements sont multiples, il faut bien reconnaître que les conceptboards se ressemblent un peu tous. A ces représentations futuristes quelque peu idylliques – à base de touristes en segway et de Zeppelin slalomant entre les éoliennes -, on préfère ce bon vieux présent bricolé, esquissé par le jardin partagé et le mini-golf présentés précédemment.

Spiel par-ci, Kinder par-là

Dernière source d’inspiration piochée au détour de nos pérégrinations berlinoises : le rôle des enfants dans la fabrique de la ville.

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A peu près partout où vous vous baladerez dans la capitale berlinoise, des échantillons de vie enfantine vous sauteront peut-être aux yeux. Ainsi, les fenêtres et grilles des lieux dédiés aux plus petits (comme les crèches et autres écoles primaires) sont presque immanquablement éclaboussées de peinture vive, de collages naïfs et autres joyeux gribouillis.

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Expo permanente en open air, surplombée par « Arc-en-ciel le plus beau poisson des océans« 

Certes, il n’est pas rare en France de pouvoir admirer les travaux manuels d’une bande de petites têtes blondes depuis la chaussée… Mais Berlin nous a semblé encore plus entichée de ces créations spécifiques. Voici donc une sélection d’urbanités modelées par la marmaille allemande.

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Des cupcakes pour pacifier les rues, à l’image des urbanités Kawaii à la sauce japonaise

Ce sont par exemple certains mobiliers urbains qui se voient barbouillés d’une couche de vernis puéril. La plupart des armoires électriques ou téléphoniques de Berlin sont en effet badigeonnées, souvent aux couleurs d’une spécialité locale. Par exemple, les murs du métro souterrain de la station jouxtant le « Zoologischer Garten » affichent une véritable ménagerie parlante, et l’armoire électrique située sur la place afférente à l’entrée du Zoo a subi un drastique ravalement animalier.

Dans des coins de la ville moins touchés par les campagnes de marketing territorial officielles, ce type de mobilier urbain se voit bien souvent enveloppé d’une oeuvre d’art conçue par les élèves d’une école. Vous pouvez alors admirer la fresque de contes de fée qui habille l’armoire électrique du quartier de Turmstrasse :

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« Blanche Neige » (« Schneewittchen » en version originale allemande) revisitée en historiette moderne. Une partie des nains traverse au feu rouge pendant que d’autres se montent dessus dans une cabine téléphonique aux allures britanniques. La sorcière semble avoir cueilli sa pomme criminelle dans le jardin urbain partagé le plus proche…

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Ici on reconnaît deux légendes germaniques : des séquences du »Roi Grenouille ou Henri de Fer » (en allemand Der Froschkönig oder der eiserne Heinrich) entourent la scène la plus connue des « Musiciens de Brême » (Die Bremer Stadtmusikanten). On notera l’accoutrement stylé du prince charmant : sa paire de Converse, son maillot vert rappelant la RFA et… sa crosse de hockey sur gazon ?

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En bonus : Raiponce (Rapunzel) a fait une teinture rose, et le Grand Méchant Loup chille dans la rue, casquette à l’envers et canette de Coca à la main 

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Enfin, parce que les petits berlinois ne se séparent jamais de leurs pinceaux, on souhaitait clôturer ce court carnet de voyage citadin par une saynète prise sur le vif : un trio de gamins occupés à tracer, sur le pavé, les contours d’une galaxie à la craie ! Comme un symbole de l’infinité des réappropriations berlinoises, dont on n’aura sûrement jamais fait le tour ?

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2 commentaires

  • C’est beau et doux, et ça donne envie d’y retourner vite vite vite.

    Petite précision dans le début du billet, le KinderGarten correspond à notre crèche. Si vous vouliez parler des espaces de jeux genre bacs à sable, cabanes et balançoires, le terme de SpielPlatz est plus approprié.

    À plus :)

  • Contente que ça donne envie d’aller s’y re-promener :)
    Et merci pour la précision, c’est corrigé ! (1 an d’allemand il y a fort longtemps ce n’est pas suffisant pour se la péter un peu haha)

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