17 mars 2012
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L'observatoireArticles

Trans(ap)parences. Le futur de la voiture se conjugue à présent au passé

Le 17 mars 2012 - Par qui vous parle de , , , dans , , parmi lesquels , ,

Une « voiture invisible », qui se fondrait dans le décor de la ville au point de se faire oublier des citadins ? La promesse est superbe d’audace, surtout pour un constructeur tel que Mercedes-Benz…

La réalité est moins enthousiasmante, puisqu’il ne s’agit finalement que d’une énième campagne marketing destiné à promouvoir l’automobile, sans jamais s’interroger sur la place qu’elle mériterait d’occuper dans la ville. Magnifique, certes, mais décevante malgré tout. Cela n’empêche pas, bien au contraire, de suppléer les publicitaires de Mercedes en creusant la réflexion là où ils se sont arrêtés…

Imaginons… Et si les mobilités urbaines participaient à « Belle toute nue » ? ((Vous savez, cette émission où une femme, complexée par son poids, doit se mesurer par rapport à d’autres femmes rondes, en se plaçant dans la file alignée face à elle selon ce qu’elle estime être son poids.)) L’animateur demanderait à la voiture de se mettre à la place qu’elle estime être la sienne, parmi le panel des modes alignés face à elle. Fièrement, crânement, l’auto rutilante irait directement sur la droite, là où se placent ceux qui pèsent. Parce qu’on ne l’a pas prévenue, la pauvre. Et qu’elle se pense encore reine de la ville, dans sa grande (fausse ?) naïveté.

Alors, l’animateur de la recadrer : « non, décale-toi sur la gauche, belle auto ! Tu n’es plus ici à ta place : tu as maigri, et d’autres modes te sont passés devant » ! Alors, obéissante, la voiture se décalerait sur la gauche, laissant à sa droite vélo, marche et transports publics. Les nouveaux princes de la ville, les vrais. Ce serait une chouette émission…

Malheureusement, on en est encore loin. La voiture a toujours autant de mal à accepter le régime minceur que la ville lui impose (cf. Quand la voiture fait boom & Flagrant délit de trouble à l’ordre public). Et cela se traduit notamment dans ses formes, toujours aussi rondes et imposantes.

Architectes, urbanistes, et même artistes : il serait grand temps d’investir ce « domaine réservé » des constructeurs, qui peinent à s’extraire d’une culture du design entretenue et formatée en vase clos durant des décennies… Une automobile conçue par des acteurs urbains : l’idée fait sens, non ?

Certes, cela nécessiterait un décloisonnement fort de la part des constructeurs, mais ce n’est pas comme s’ils avaient vraiment le choix, hein1

Et ça peut donner de belles choses, à l’image de l’étonnante Quasar Unipower, « élucubration de l’artiste franco-vietnamien Quasar Kahn »… La belle cubique avait fait une apparition remarquée dans « Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause ! » (1970), avec la jeune Annie Girardot au volant.

Et si c’était ça, le futur de l’auto ? Ce n’est un secret pour personne, design et imaginaire automobiles sont intimement liés. Conçu comme une bulle intime, « l’habitacle » a précisément pour vocation d’être habité par son propriétaire, protégé d’un extérieur qui lui voudrait du tort. Et cela se répercute notamment sur la difficulté de nos sociétés à s’exiler d’un modèle propriétaire, dont on perçoit aujourd’hui les limites et les vices (sur le sujet, lire : « Où est la box de l’automobile » par le Groupe Chronos, avec ma petite contribution).

Ainsi, l’imaginaire de la voiture « en verre » semble plus que pertinent pour « décloisonner », justement, le poids de cette individualité qui caractérise l’automobile. Il fait d’ailleurs directement écho à l’idée de « voiture invisible » proposée par Mercedes, sauf qu’il n’y a pas là d’entourloupe sur la marchandise. C’est tout bête, mais ça pourrait faire sens : la voiture transparente se positionne ainsi une première étape à l’ouverture de l’habitacle sur la ville 2

Contrairement aux designs traditionnelle, une telle structure transparente autoriserait (voire, motiverait) une certaine agilité dans l’organisation même de l’habitacle, qui siérait particulièrement aux mobilités en partage (auto en libre-service). Exemple avec cette voiture imaginée par l’architecte belge Jacques Wybauw, découvert dans l’excellent ouvrage « Dynamic City » (réalisé pour l’exposition éponyme, organisée par la Fondation (belge) pour l’Architecture dans le cadre de Bruxelles Ville Culturelle, en 2000).

Wybdacar, projet d’un véhicule urbain à deux ou quatre places comportant une porte unique à l’arrière. Jacques Wybauw et associés, 1980-1982.

Gain de place en stationnement, facilitation psychologique et fonctionnelle des partages… tout est bon à prendre dans la voiture transparente, et la voiture reprendrait sa place dans la farandole des modes en se mettant enfin à nu ! L’idée mériterait d’être creusée, n’est-ce pas ?

Dire que tout cela date des années 70-80… Il est grand temps de rattraper le retard en déléguant la conception des voitures urbaines à d’autres disciplines. Et en s’inspirant, si besoin, de ces  imaginaires antérieurs mais pas dépassés, qui témoignent d’une grande inventivité créative.

  1. Certains ont déjà commencé, comme PSA ou Renault avec sa Twizy qui flirte du côté du scooter. Mais on reste encore dans une logique de design traditionnel proche des voitures-bulles qu’on nous réchauffe depuis des décennies… []
  2. C’est d’ailleurs le rôle de la papamobile, en un sens..! []

1 commentaire

  • Mon cher Philippe, c’est toujours un plaisir de te lire, et tu sais que les articles traitant de la mobilité urbaine ne me laissent pas indifférents.

    Une Mercedes invisible, c’est un comble quelque part : les propriétaires de véhicules à la marque de l’Etoile aiment être vus à bord de leur paquebot (fameux reflet de soit qu’apporte l’objet automobile).
    Et puis, ne serais ce pas dangereux (pour les passants d’abord) une « voiture invisible » ? Déjà qu’avec tous ces accrochages, les parisiens ne sont pas capables de se voir : il suffit de voir les carrosseries de leurs voiture : peu d’entre elles restent parfaitement propres longtemps.

    Mais je te l’accorde, l’automobile doit évoluer et s’adapter au milieu urbain. Autolib est un élément de réponse à l’auto 2.0, non !?
    Bien sûr, cela est en décalage avec l’image qu’elle renvoie de la personne qui la conduit : avoir la liberté d’aller où l’on veut sans « posséder » cette auto : une (r)évolution du comportement d’automobiliste serait elle en route ?

    Constructeurs, équipementiers, automobilistes s’adapteront et ils s’adaptent déjà !

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