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Qu’est-ce qu’une « bonne » ville dans les jeux vidéo ?

Le 3 mai 2013 - Par qui vous parle de , , dans parmi lesquels , , , ,

C’est en réaction au court billet posté par l’Ouvreur la semaine dernière, concernant le classement des “10 meilleures villes de jeux vidéo”, que nous avons décidé de prendre position sur le sens de ces classifications subjectives. Quels sont les critères qui font ou défont la bonne urbanité des territoires vidéoludiques ? En creux se dessine une autre question d’ordre plus général : comment “fabriquer” la ville à jouer ?

Les classements de ville sont un vieux marronnier de la presse généraliste. Efficaces, simples voire simplistes, ces répertoires de ville varient du plus classique au plus alambiqué. Cette tradition semble persister dans la presse spécialisée, puisqu’on la retrouve régulièrement pour qualifier de toutes les manières possibles les différents univers vidéoludiques. Ici encore, attendez-vous à en lire des weird et des pas mûres

Parmi cette fourmilière d’articles, on a donc déniché une thématique qui nous concerne directement, avec cette hiérarchisation des imaginaires urbains qui nous sont chers. Cependant, et à notre grand regret, le billet publié ne défend pas vraiment ses choix, comme c’est souvent le cas dans ce type de classements… L’unique justification mentionnée est des plus convenus, mettant l’accent sur le pouvoir d’immersion de ces territoires virtuels.

Or, cet argument ne correspond pas toujours aux topiques dégagés par chacune des villes mises en avant. De fait, s’il est indéniable que le “pouvoir d’immersion” qualifie des espaces caractéristiques des jeux en open-world tels que Vice City ou la Venise d’Assassin’s Creed, il est nettement moins évident pour une ville comme Midgar (Final Fantasy VII), dont les conditions de déplacement et d’exploration sont beaucoup plus restreintes.

En rappelant cette évidence, l’objectif est ici simplement de souligner à la fois la subjectivité absolue de tels classements, mais également qu’on ne peut pas forcément comparer l’incomparable. Si l’on doit effectuer un catalogue de villes dans les jeux vidéo, tâchons de le faire à travers un aspect pertinent ! D’autant que le qualificatif “meilleure ville” ne sera jamais judicieusement utilisé pour une ville réelle sans être rattaché à une qualité spécifique. Ce même critère n’aura de sens, dans la sphère vidéoludique, que si on l’associe à un argument cohérent et commun aux objets mis en exergue.

Los Angeles – L.A. Noire (2011)

De plus, si la définition d’une ville peut paraître évidente au quotidien, elle l’est beaucoup moins dans la sphère vidéoludique. Nous nous sommes déjà penchés sur la question dans notre série de chroniques pour la Gaîté Lyrique, qui exploraient les grands archétypes des villes vidéoludiques (les six épisodes à retrouver ici : Introduction / Ville décor / Ville simulée / Ville étape / Ville plateforme / Ville jouable).

La définition d’un jugement de valeur à propos d’une ville de jeu vidéo passe donc essentiellement par le rôle qu’elle joue dans tel univers vidéoludique – c’est-à-dire sa signification dans le jeu en question (notamment vis à vis du scénario et du type de gameplay), ainsi que sa remise en contexte plus large, dans l’histoire du jeu vidéo.

Voici un panel non exhaustif des critères (singuliers ou conjoints) qu’une soi-disant “bonne” ville virtuelle pourrait avoir :

– un espace ouvert dans lequel le joueur peut déambuler (presque) comme bon lui semble ;

– un décor jugé impressionnant, original, ou bien, reconnu comme particulièrement “beau” par les joueurs ;

– un graphisme dit “réaliste”, voire “photoréaliste” – encore faut-il s’interroger sur les limites du réalisme, entre visuel pur et pratique concrète de la ville. Notons que cette caractéristique va souvent de pair avec une dimension immersive forte, due à l’instauration réussie d’une atmosphère saisissante ;

Alexandrie – Final Fantasy IX (2000)

– un lieu clef du jeu. Qu’il constitue le topos attendu d’une série, ou bien qu’il représente un symbole façonné par le scénario du jeu, ce type de lieu produira probablement une sensation notable au joueur ;

– plus généralement, toute innovation de gameplay (ou prouesse graphique) rendue possible dans un espace urbain vidéoludique sera sans doute jugée positivement par la majorité des joueurs, ainsi que par une grande partie des professionnels de la ville (archi, urba…) ;

– de la même manière, toute ingéniosité de développement marquante ou fait scénaristique apprécié qui se dérouleraient dans un lieu donné peuvent aider à émouvoir le joueur;

– dans le cas des Simcity-like, le critère le plus évident demeure une bonne gestion/un bon fonctionnement de la ville en question, et ceci à plus ou moins long terme;

– un lieu où il fait bon vivre (par exemple pour les cas de villes étapes, chers aux J-RPG) pour le personnage contrôlé. La qualité de vie d’une ville de jeu vidéo peut à la fois concerner la capacité à y trouver un havre de paix, la fécondité des ressources et/ou le potentiel de sociabilisation virtuelle ou réelle dans le cas des jeux en ligne.

Village Cocorico – Zelda: A Link To The Past (1991)

– enfin, on pourra classer à part les villes bac à sable, dont on apprécie généralement avant tout la créativité individuelle, ainsi que le haut-fait du joueur-constructeur.

La diversité de ces critères souligne la difficulté de définition de la ville vidéoludique, et donc de son classement. Nous considérerons ce pluralisme comme une vertu, car c’est précisément à travers ces spécificités que chaque joueur pourra y trouver un écho personnel. C’est d’ailleurs ce qui fait le succès de ces terrains de jeu, et ce qui rend nos bonnes vieilles villes si fades en comparaison.

1 commentaire

  • Hey,

    Pour ma part, j’ai toujours eu beaucoup de mal à me projeter dans les villes dans les JV, j’exclus tout de suite les villes copié-collé des GTA et autres Watchdogs, pour me centrer seulement sur les villes créées de toutes pièces.

    Certaines notions de la ville sont supprimées dans les JV :

    -la différence entre espace public et espace privé. Dans les RPG, tout est espace public, ce qui est bien dommage. A l’image d’un Zelda, on peut rentrer chez les gens, casser leur vases sans aucune contrepartie.

    -La construction des villes, j’ai souvent cette impression qu’on a mis deux trois maisons qui sont aussi des commerces (hôtel, auberge, et vente d’objets, d’armes et armures) autour d’une place, et puis basta. J’ai le sentiment qu’on ne crée pas des villes pour les PNJ mais seulement pour le joueur, ce qui est bien dommage.
    On se voit rarement « vivre » dans une ville croisée dans un JV. Où sont les bâtiments publics, les écoles … ? En clair, ça manque beaucoup de vie, on sent le vide autour de ces villes.

    -La transition entre ville et « espaces sauvage » (espace où les combats se font, ex : RPG), elle nette et cassante, entre les deux ,rien. Par exemple, Midgar (FF7), la frontière devient bête et méchante. On est dans une ville ultra polluée et très dense, et on passe à son opposé le plus extrême. Dans mes souvenirs, j’ai eu l’impression de commencer un nouveau jeu, ce qui n’est pas non plus négatif en terme de gameplay.
    On voit rarement des espaces transitoires entre la ville et les « espaces sauvage ». La question que je me pose souvent dans un RPG, c’est où est cultivé les aliments ? On ne croise jamais un champ de blé ou un truc dans le genre, rarement des fermes. Le seul exemple qui me vient en tête, où l’idée de transition existe, est Fantasy Life sur 3DS, la ville principale est bien construite avec des quartiers, des logements, des commerçants, des restaurants, et ce fameux espace de transition où l’on croise, des fermiers, des pécheurs, et des maraichers. Cette ville là n’a pas été construite pour le joueur mais pour les PNJ, on sent la ville, les populations a des choses à faire, elle ne reste pas plantée là à nous attendre.

    -Le dernier point est plus centré sur la question du logement. Comme on peut aller dans n’importe quelle maison, on peut voir les intérieurs des maisons, et cela est rarement positif. Les maisons sont souvent très peu décorées, et il manque souvent les éléments les plus basiques pour créer des logements qui ont du sens. Il manque souvent un ou deux éléments pour que cela constitue un logement, par exemple, il y a rarement, voire jamais de salle de bains dans le JV, ( est-ce que cela est un tabou ? :S ), les cuisines sont aussi également oubliées et quelques fois les chambres ou pas de lit dans l’habitation. La notion de pièces même est presque effacée dans certain jeu, où une maison égale une pièce.

    Les quelques villes qui m’ont marquées dans le JV, Castel, la capitale de Fantasy Life, et Mercantile, la ville-île dans Zelda Wind Walker sur Game Cube.

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