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La ville dans le cinéma de Sofia Coppola (Demain la ville)

Nous poursuivons notre série d’articles sur le traitement de la ville dans le cinéma de certain·e·s réalisateur·trice·s. Après Wes AndersonCéline SciammaQuentin Tarantino, et Bong Joon-ho, c’est au tour de la filmographie de Sofia Coppola de passer sous la microscope urbanistique.

Réalisatrice controversée en cela que son oeuvre s’attire tant les passions les plus ferventes que les critiques les plus acerbes, Sofia Coppola s’est d’abord faite connaître comme actrice, notamment dans les films de son père, Francis Ford Coppola. La réalisatrice a, à ce jour, dirigé 7 longs et moyens métrages – un huitième, On the Rocks, est en cours de production et devrait sortir dans le courant de l’année 2020.

Son cinéma est habité par des acteurs et actrices récurrentes, par un rythme… contemplatif, mais aussi par une constance dans les thématiques abordées : une certaine idée de la bourgeoisie, l’adolescence, l’ennui, l’isolement. Evidemment, ces thèmes se traduisent également dans le choix des villes et des décors dans lesquels la réalisatrice plante ses films.

Le 20 décembre 2019 - Par qui vous parle de dans parmi lesquels , , , , ,

De pauvres riches

Car les films de Sofia Coppola sont tous habités par des personnages venant de milieux sociaux aisés, de la upper middle class américaine qui fréquente les country clubs dans The Virgin Suicides, aux monarques en toute simplicité dans leurs palais, dans Marie-Antoinette, en passant par la haute bourgeoisie sudiste dans Les Proies, ou par les stars de cinéma (Lost in TranslationSomewhereA Very Murray Christmas).

Et lorsque les protagonistes ne sont pas à proprement parler riches, ils et elles fantasment du style de vie et des richesses des stars. C’est le cas de la clique de The Bling Ring, qui cambriolent les demeures hollywoodiennes de Paris Hilton, Orlando Bloom ou encore Lindsay Lohan.

Ces stars de cinéma sont par ailleurs souvent en transit, à Tokyo, Los Angeles, Milan ou New York. Elles doivent donc résider à l’hôtel, qui est un objet urbain particulièrement important dans la filmographie de la cinéaste américaine. Cet espace est particulièrement intéressant car paradoxal : lieu de transit – on ne reste a priori qu’un temps dans un hôtel – il doit pourtant aussi se substituer au domicile personnel et donc créer un sentiment d’intimité. On est chez soi sans pour autant être dans son domicile.

Cette déconnexion d’une forme de réel induite par la richesse est à mettre en parallèle avec la vie même de la réalisatrice. Venant d’une des familles les plus puissantes du cinéma américain, elle a évolué dans des milieux inaccessibles à beaucoup d’entre nous. Avec son cinéma, Sofia Coppola se raconte et traite donc de ce qui lui parle. Lors d’une interview donnée à l’occasion de la sortie de Marie-Antoinette, elle déclare qu’elle fait d’abord des films pour sa famille et ses amis que pour le reste du monde. Pas étonnant que le commun des mortels perde pied et ne comprenne pas les motivations de ces personnages évoluant dans le luxe et la célébrité, et pourtant si désespérés.

Une réclusion dorée au coeur de l’urbain

Car l’hôtel agit également comme un isolement. De manière générale – et le cinéma de Coppola n’y échappe pas – on loge à l’hôtel parce que l’on n’a pas de pied-à-terre en ce lieu. La personne qui réside à l’hôtel est bien souvent étrangère à la ville dans laquelle elle se trouve. Dans Lost in Translation, la situation est même gigogne. Les protagonistes se trouvent un peu contre leur gré dans un pays dont ils ne comprennent ni la culture ni la langue, les isolant de facto. Et Bob passe le plus clair de son temps entre sa chambre d’hôtel, les studios de shooting et les restaurants alors qu’il pourrait découvrir Tokyo ; il faut l’impulsion de Charlotte, plus aventureuse, pour qu’il se hasarde dans la capitale japonaise. La situation est similaire dans Somewhere, puisque Johnny, dans le confort de sa suite au Chateau Marmont, n’a pas à se soucier des affres de la vie domestique ; là encore, c’est un élément extérieur, sa fille Cleo, qui va bousculer cette routine. Enfin, dans A Very Murray Christmas, l’isolement est absolu, puisqu’un puissant blizzard coupe les occupants du Carlyle Hotel du reste du monde.

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