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MANGA ↔ TOKYO : la pop-culture japonaise s’invite à Paris

Entretien avec Justine Weulersse, responsable des expositions à La Villette

Après avoir ouvert les festivités de la saison culturelle Japonismes 2018 (qui se tient un peu partout en France depuis juillet) avec teamLab, La Villette accueillera du 29 novembre au 30 décembre l’exposition MANGA ↔ TOKYO, en guise de conclusion. Evidemment, nous ne pouvions pas passer à côté de cet événement culturel à venir, qui réunit trois de nos principales obsessions (le Japon, la ville et la pop-culture). Aussi, en préambule et pour en savoir un peu plus sur ce projet qui s’annonce très chouette, nous avons rencontré Justine Weulersse, responsable des expositions à La Villette.

Le 12 novembre 2018 - Par qui vous parle de , , , dans

Comment s’est fait le choix de la thématique de l’exposition ?

La France est le deuxième pays consommateur de manga, après le Japon. Il y a une bonne connaissance, et un début de reconnaissance, de ce medium chez nous. Pourtant, il y a finalement assez peu d’expositions transversales qui lui sont consacrées en France. L’exposition MANGA ↔ TOKYO se différencie notamment de ce qui a déjà été fait auparavant parce qu’elle n’est pas une rétrospective. On veut, entre autres, présenter le manga – et la culture pop japonaise qui en a découlé : animes, tokutatsu, jeux vidéo etc. – comme un art bien vivant.

Le projet s’inscrit aussi évidemment dans le cadre de Japonismes 2018. Comme nous avons ouvert la saison avec teamLab, il nous semblait cohérent de la clore. Il y a environ un an, la Japan Foundation, avec qui nous avons aussi travaillé sur teamLab, nous a mis en relation avec le National Art Center, Tokyo (ou NACT), avec qui travaille Kaichiro Morikawa, le commissaire de l’exposition. Comme cette mise en relation s’est faite assez tôt, La Villette a pu devenir co-producteur de l’exposition. Grâce à l’espace disponible dans la Grande Halle, et à sa modularité, nous pouvons proposer une scénographie grandiose, optimale pour un projet de cette envergure.

Illustration by Yoh Yoshinari
©Crypton Future Media, INC. www.piapro.net / ©khara / ©Naoko Takeuchi/PNP, Toei Animation / ©Osamu Akimoto, Atelier Beedama/SHUEISHA / ©SOTSU, SUNRISE / ©TOHO CO., LTD.

A quoi doit-on s’attendre en visitant MANGA ↔ TOKYO ?

L’exposition a été conçue pour être tous publics. Même si les plus jeunes seront moins réceptifs aux contenus écrits, le concept même est très visuel, et sera donc attractif. Nous sommes conscients que nous allons accueillir tant des néophytes que des passionnés de manga. Il y aura donc des contenus pour toutes et tous. Les œuvres exposées sont commentées et expliquées dans des encarts pour que tout un chacun puisse les recontextualiser. D’un autre côté, les fans plus experts seront ravis d’admirer des originaux rares, ainsi que des mises en parallèle entre différents travaux sur des supports divers.

© 2017 PROJECT Lovelive! Sunshine!! / © GCREST, Inc. / © KAZUYA MINEKURA • ICHIJINSHA / SAIYUKI RB PROJECT / © MAGES./5pb./Nitroplus © MAGES./5pb./Nitroplus / © SEGA/© Crypton Future Media, INC. www.piapro.net / © TSUKIPRO/© PROANI

D’un point de vue strictement scénographique, l’exposition s’oriente sur un axe Nord-Sud. L’exposition s’ouvre dès l’extérieur, sous le péristyle de la Grande Halle, avec des grandes affiches de Manga disposées comme des publicités urbaines qui rappellent évidemment l’habillage pop de certains immeubles de la capitale japonaise. Elle se poursuit à l’intérieur par un sas d’accueil qui permet d’entrer progressivement dans les rues de Tokyo, dans la Ville.

La première expérience du visiteur, passé cet espace intermédiaire, est une déambulation dans un quartier commercial, de shopping, la partie “profane” de l’exposition, avec deux boutiques consacrées à la culture pop japonaise : l’une reprenant les codes esthétiques du quartier d’Akihabara – “le” quartier de Tokyo consacré à la culture otaku – ; l’autre s’inspirant du quartier d’Otome Road – qui s’adresse à un public essentiellement féminin.

Akihabara, Tokyo’s MANGA district. Photo: Takehiro Goto

Après les boutiques, nous pénétrons dans le “monde sacré” de ces urbanités nippones. On y trouvera une imposante maquette de Tokyo de 18 x 21 mètres, au 1:1000. Elle intéragira, par un jeu de lumières, avec un grand écran qui présentera une sélection de vidéos issues de divers animes, mettant en évidence les quartiers de la Ville qui ont influencé l’histoire et l’esthétique des manga en question. Ici, le fil rouge de l’exposition est annoncé : montrer comment Tokyo a influencé le manga, et en retour comment le manga a inspiré Tokyo, son urbanisme, son organisation et ses évolutions dans l’Histoire.

Ce “monde sacré” comprend également une multitude d’éléments architecturaux : un observation deck au-dessus de la Neo-Tokyo d’Evangelion, l’intérieur du Shinkansen grandeur nature, un petit temple où l’on pourra déposer des vœux… L’exposition n’étant pas linéaire, les visiteurs pourront explorer les différents recoins de la Grande Halle à leur guise, comme l’on se perd dans les rues d’une métropole. Nous avons essayé de rendre ludique le parcours de l’exposition, tout en appuyant le ressort grandiose des installations.

L’exposition est aussi bien une invitation à faire découvrir la culture pop nippone auprès du grand public qu’une plongée dans certaines urbanités tokyoïtes du quotidien. En d’autres termes, on espère immerger, autant que dépayser, les visiteurs.

Au final, comment est-ce que Tokyo et le manga se sont mutuellement influencés ?

La ville et sa population ont servi de base à la création de tous temps. Une partie de l’exposition est dédiée à ces questions historiques, où l’on va reprendre l’évolution de la typologie des personnages de manga, en rapport avec l’évolution historique et sociale des tokyoïtes. Donc évidemment, Tokyo influence le manga.

The life-sized Unicorn Gundam Statue in Odaiba. ©SOTSU, SUNRISE Location: DiverCity Tokyo Plaza Photo: Takehiro Goto

En retour, le manga façonne aussi la ville, notamment la jeunesse. Le fait qu’un·e lycéen·ne puisse se reconnaître dans un personnage était l’objectif premier du manga. L’évolution de certains quartiers – notamment Akihabara et Otome Road – n’aurait certainement pas été la même sans le manga. Cette spécialisation des quartiers est d’ailleurs généralisée à Tokyo. D’un découpage urbain compris en fonction des cours d’eau ou des lignes ferrées – qui constituent des limites visibles – on est passé à un découpage en fonction des cultures de quartier et des modes. Le manga entre dans ce cadre.

L’exposition MANGA ↔ TOKYO se tient du 29 novembre au 30 décembre 2018. Entrée 15€ en plein tarif /10€ tarif réduit (abonnées, adhérents, moins de 26 ans)
Les 9 et 23 décembre, dans le cadre de l’exposition, La Villette organisera des rencontres avec des mangaka (gratuit dans la limite des places disponibles) :
> 9 décembre 2018, 15h : Grande Halle – Auditorium Boris Vian – Rencontre autour de l’animation japonaise avec Tsuyoshi Kusano, Shigeto Koyama et Yoh Yoshinari
> 23 décembre 2018, 15h : Rencontre avec la dessinatrice de manga Erica Sakurazawa

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