29 janvier 2018
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L'observatoireArticles

Nintendo Labo : gamers & makers, le duo qui cartonne

Vous le savez, chez pop-up, on suit avec attention les annonces jeux vidéo des grands noms du secteur, bien conscients du potentiel prospectif des usages et des expériences spatiales mis à profit par les technologies de cette industrie. Si l’annonce de la Nintendo Switch en 2016 nous avait enthousiasmés pour sa capacité à dépeindre les mutations des pratiques urbaines de la dernière décennie, la présentation vidéo de Nintendo Labo (mise en ligne le 17 janvier 2018) ouvre des réflexions inédites concernant l'avenir des pratiques vidéoludiques. Ainsi, le Nintendo Labo incarne "une nouvelle ligne d'expériences interactives de construction et de jeu" compatible avec la dernière console de la firme.

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Avouez que c’est la meilleure chose que vous ayiez jamais vu de votre vie

Cette offre d’accessoires cartonnés à « monter » soi-même, est conçue afin d’augmenter le gameplay de jeux vidéo compatibles avec la Switch1.  Console de jeu « hybride »2 ayant déjà fait ses preuves auprès de ses utilisateurs, la Switch se verra donc très prochainement (avril 2018) agrémentée de dispositifs ludiques originaux. Voyons comment la dernière promesse de Nintendo pourrait transformer l’offre commerciale d’une pléiade de lieux et d’enseignes existants…

Après une grande vague de dématérialisation (qui s’est notamment manifestée par un certain « appauvrissement » des emballages et livrets accompagnant les jeux physiques – ce qui a pu déplaire à une poignée de nerds-collectionneurs attachés aux « beaux objets »), voilà que l’on réinvestit le champ physique pour enrichir l’expérience vidéoludique…

Jeux + jouets : le vidéoludique augmenté

Revenons plus précisément sur cette nouvelle offre promue par Nintendo. Ce « Labo » propose donc d’associer le jeu vidéo à des kits d’accessoires à construire et à personnaliser soi-même. Vendus sous forme de « cardboards », les éléments cartonnés devront être montés en volume. Ils s’associent alors avec la console Nintendo Switch et permettent de développer une « nouvelle façon de jouer » (telle est la promesse officielle).

Après 10 ans de tatonnements autour d’expériences en réalité augmentée (technologie qui a enfin « percé » à l’été 2016 grâce au génie de Pokémon Go), il est temps de revenir à de la bonne vieille virtualité augmentée avec une poignée d’accessoires ! 

Ce n’est pas la première fois que le jeu vidéo s’associe avec le jouet. Ainsi plusieurs vagues de figurines connectées (Skylanders et Amiibo) ont vu le jour sur le marché du jeu vidéo. Le principe : une fois le personnage connecté à la console, ses données sont envoyées dans la console afin de proposer des contenus aditionnels au jeu associé (aventures supplémentaires, avantages, équipements inédits etc.).

Plus récemment, Ubisoft a annoncé la sortie prochaine du jeu Starlink, Battle for Atlas, qui s’accompagnera de vaisseaux spatiaux à construire et à moduler à l’envi. L’interaction jeu/jouet se fait alors par la mise à jour du vaisseau virtuel par le choix du montage physique réalisé IRL

Sommairement, ce type de jouets connectés représente un bonus matériel pour la personnalisation des avatars joués, à la fois goodies pour collectionneur ($$$) et gadget pour enfants…

De fait, Nintendo Labo propose une autre manière de penser la relation entre le jouet et jeu vidéo. L’offre ludique se décompose ainsi en plusieurs phases qui vont servir l’expérience de jeu globale. Le premier moment va être de l’assemblage – en 3D – des pièces cartonnées.

Ce Toy-Con sera alors personnalisable de nombreuses manières : coloriage, scotch coloré, gommettes, etc. La première expérience de jeu est donc une phase de travaux manuels et de customisation de son jouet.

Le montage n’est pas forcément simple. Ainsi, le Toy-Con Robot semble développer une véritable petite machinerie de fil et de carton qui demandera une certaine dextérité et un certain temps de montage. Si le principe semble très orienté pour les enfants, nul doute que les parents seront de la partie pour l’assistance technique. A partir de là, le volume en carton pourra être associé aux Joy-Con (les petites manettes de la Switch), le tout servant d’interface avec le jeu vidéo !

Do It Yourself : my family is ready

Le plus grand potentiel du Nintendo Labo vient de ses matériaux : de la ficelle et du carton. On sort clairement de l’objet de collection pour avoir un objet manipulable et surtout personnalisable avec des moyens très simples. Certains joueurs potentiels se sont évidemment empressés de moquer ce choix de matériaux « cheap » par rapport au prix assez élévé des kits…

« Au moins d’mon temps on en avait pour notre argent !!! » diront les vieux nerds nostalgiques

Soit. Le carton est fragile et low cost. On peut donc en trouver partout, et c’est l’objet de récup’ par excellence. Excellent, donc, pour construire des cabanes, des déguisements ou encore des jouets par soi-même. Et l’invitation de Nintendo Labo est là : construire ses propres jouets et vivre une expérience de jeu plus importante en y associant un jeu vidéo. Et si les enfants ont à leur disposition des kits sécurisés (sans colle ni ciseaux), qu’est ce qui empêche les grands enfants de fabriquer leurs propres kits ?

Si vous doutez encore du potentiel d’enjaillement intrinsèques à de simples cartons de déménagement, il suffit de taper « carton+jeu » sur Fotolia (ou de jouer à Metal Gear)

Le choix du carton pourra permettre à beaucoup de “hacker” le principe des Toy-Con. Les kits seront facilement reproductibles par simple « décalque » des cardboards ou par reprise des tracés via CAO qui serviront à un découpage laser. Certains ont déjà proposé, avant l’annonce du Nintendo Labo des accessoires imprimés en 3D pour faciliter l’ergonomie du jeux – des modèles plus solides des Toy-Con peuvent très bien être imaginés.

Gommettes et manettes au Fab Lab du coin

Construire son kit, développer son propre Toy-Con original, craquer les existants ou juste customiser son jouet sont des pratiques qui ne seront pas forcément réalisées à domicile. Nintendo a de suite lancé les hostilités en proposant un atelier construction et de customisation à la Cité des Sciences afin de faire découvrir le deux premiers kits… Nous ne serons alors pas surpris de voir les espaces de la grande distribution vidéoludique ouvrir leurs rayons aux matériaux de custom à côté des goodies Marvel, cartes Steam, et autres accessoires.

Les consoles 4K bientôt voisines du rayon bricolage chez Carrouf ?

Mais cette grande distribution va-t-elle se saisir de cette opportunité pour proposer des ateliers et espaces de création (à l’instar du revirement « fab lab » de Castorama, Leroy Merlin et confrères) ouverts à une clientèle sensible à la « re-matérialisation » de l’industrie vidéoludique ? Ou bien va-t-on bientôt voir renaître toutes ces petites enseignes indépendantes mourantes ou désertées (dans les centre-villes de province ou autre) grâce à ce nouveau souffle bricoleur donné à l’industrie ?3

Ça a changé Micromania

Le Nintendo Labo peut également séduire des secteurs différents du jeu vidéo. Les Fab Lab et les associations de DIY ont le potentiel pour sortir leur épingle du jeu. Le Nintendo Labo remplit ici un rôle d’initiation à la culture maker, de la récupération, de la modification et de la personnification des objets. Les équipes des FabLab et des associations pourront ainsi servir de soutien à cette initiation et aller plus loin dans la formation des jeunes publics, les éveillant à de nouvelles pratiques créatives. La place du jeu vidéo devient secondaire dans ce scénario, la création de son jouet devenant une activité en soit, associable ou non à la console.

Le Nintendo Labo s’inscrit donc dans la lignée de Lego, Kapla et Mécano en invitant à la construction et à la créativité avec ses jouets. En intégrant cet imaginaire « DIY », le monde du jeu vidéo renoue avec une dimension physique et matérielle4 qui peut être porteuse de nouvelles pratiques et d’expérimentations pour son (très) large public… dans les boutiques et les espaces de création existants, ou dans des lieux éphémères à créer ?

On en est pas encore au niveau de swag de cette échoppe croisée au détour d’un clip de Vybz Kartel mais on y croit pour l’avenir, lorsque Nintendo s’associera au coiffeur de votre rue pour proposer des ateliers custom pendant votre brushing mensuel 

On attend donc que la ville s’hybride encore et encore, avec des commerces complètement foutraques où on viendrait aussi bien réparer son smartphone que construire son casque VR avec du carton recyclable, jouer au dernier Mario Kart, hacker sa Switch, ou imprimer des Amiibo à l’aide d’une imprimante 3D.

  1. La dernière console de Nintendo a été mise sur le marché en mars 2017 []
  2. C’est-à-dire pouvant aussi bien faire office de console de salon que de console portable. []
  3. Afin de mieux comprendre l’Histoire socio-économique des commerces de jeux vidéo, on vous conseille la lecture de cet article récent : « Les boutiques de jeu : quand l’évolution semble nécessaire pour survivre« . NB: La dernière boutique fermée en date est l’iconique Games Wave de Lille – l’article est paru le lendemain de la publication du présent billet ! []
  4. Dimension que la firme nippone ne connaît que trop bien puisque nul n’ignore que Nintendo produisait jeux de société, jeux de cartes et jouets avant de vendre des consoles ! []

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