15 décembre 2014
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L'observatoireArticles

Collection de curiosités japonaises #1: gares d’attraction

Le 15 décembre 2014 - Par qui vous parle de , , dans parmi lesquels

Depuis notre retour de vacances au pays du Soleil Levant, on vous a beaucoup parlé d’urbanités japonaises : que ce soit à travers les coloris de ses distributeurs de boissons, ou l’étroitesse de ses rues en comparaison avec le foisonnement de ses flux. On a même essayé de démêler ses câbles électriques suspendus dans le ciel, et de décoder les mille et une pancartes kawaii qui décorent ses murs. Plus récemment encore, on s’attaquait à l’une des figures les plus cultes de l’imaginaire nippon : Godzilla, devenu un monument de la culture populaire.

Aujourd’hui, on a décidé de s’aventurer dans un format plus classique, une sorte d’herbier des curiosités que seul le Japon est capable de nous offrir. Ce modeste « classement » des éléments insolites croisés dans les rues de l’archipel a en effet vocation à vous amuser autant que de vous surprendre… mais aussi, sait-on jamais, à vous inspirer pour façonner la ville autrement.

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Vue tokyoïte : la ville aux mille et un visages

Ne voyez rien d’exhaustif dans ce « top », mais simplement des morceaux choisis sur le tas de nos photos de vacances. Ainsi, vous y croiserez toutes sortes de curiosités, qu’elles soient architecturales, urbanistiques ou résultant d’une pratique très spécifique. En vous souhaitant un bon dépaysement !

Tampons : attrapez les tous

Au Japon, on se propose de collectionner les lieux ! Ainsi, que vous alliez dans à peu près n’importe quel type d’institution – de la station de métro au musée, en passant par l’Office du tourisme -, un petit coin « tampon » s’y cachera sûrement. Ces empreintes bigarrées aux allures de plaques d’égout (que l’on appelle d’ailleurs communément « tampons »…) ont de quoi ravir les voyageurs en quête de précieux souvenirs.

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 #PassionTampon : tout y est 

Le phénomène est surtout établi dans les gares, appuyant évidemment la passion bien connue des japonais pour les trains. A la fois contributeur non négligeable du développement économique, culturel et social de l’archipel, et concentré ultime du « nerdisme » proprement nippon, le train méritait bien lui aussi son prétexte à la collection.

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Cette #PassionTrain nippone, joliment illustrée dans le film d’animation Giovanni no Shima

Incarné par cette prolifération de tampons dissimulés dans la plupart des hubs de transports, ce phénomène pourrait presque être perçu comme le penchant urbain de la passion des japonais pour la collection d’insectes… A ce titre, le créateur de la série culte Pokémon – célèbre pour sa passion entomologique – aurait tout aussi bien pu se retrouver du côté des férus de tampons !

Si le Shinkasen – train très grande vitesse japonais – fêtait son demi-siècle le premier octobre dernier, son usage n’en est pas pour autant obsolète. Extrêmement performant, le modèle du train japonais n’est pas prêt de perdre sa popularité. Car si les prouesses du réseau ferroviaire japonais sont bel et bien enviables, ce ne sont pas ses seules qualités. L’attrait durable de la population locale – et de passage – pour son fonctionnement, pour le design de ses trains et leur confort (et bien sûr pour tout ce qui gravite autour) fondent sans doute une partie non négligeable de sa postérité.

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Cette collection de tampons n’est pas la nôtre :( 

Riches en symboles, ces emblèmes modernes ne sont pas sans rappeler la valeur sociale que les sceaux – ces objets-empreintes tombés en désuétude – prenaient initialement  aux époques de leur utilisation courante. Ainsi, apposés sur des actes officiels conclus entre différentes parties, ils étaient destinés à « re-présenter » – littéralement – le pouvoir officiel de chacune des institutions sigillantes (par exemple en cas d’éventuel litige futur).

Loin de porter en eux ce sens politique très fort, les tampons de gare demeurent des éléments de reproduction symbolique des institutions qu’ils représentent (gares et réseaux ferroviaires). Dès lors, ils appuient par certains aspects l’autorité historique et culturelle d’un moyen de transport sur ses usagers. Ainsi élevés au rang de « pop-culture », le train japonais et ses lieux n’en sont-ils pas que plus prospères ?

La gare de Kagoshima roule pour le buzz

Pour rester dans le thème des gares, laissez-nous vous présenter celle de Kagoshima, petite ville portuaire située sur la pointe sud du Japon, à l’extrémité de l’île de Kyushu. Du point de vue de sa desserte, Kagoshima tient une place de choix puisque elle incarne le terminus sud de la ligne Shinkansen sur l’île de Kyushu (Kukuoka-Kagoshima). Vous ne pourrez guère aller plus loin sans ferry, avion ou nage très énergique !

Mais la spécificité de ce lieu de transit dépasse largement son rôle clé au sein du réseau ferroviaire nippon. L’autre aspect de son excentricité figure dans son architecture. Dès votre arrivée dans ce port aux allures napolitaines (localisée sur la baie de Kagoshima et vue sur le volcan Sakurajima), retournez-vous sur Kagoshima-Chuo Station dès que vous aurez prix assez de recul, et découvrez ce bâtiment hybride : un bloc grisâtre coiffé de son immense coquelicot : une grande roue carminée !

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Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette roue panoramique – nommée Amuran – ne fait pas directement partie du corps de la gare. Elle dépend en fait du centre commercial Amu Plaza, rattaché au lieu de transit il y a de cela dix ans. Située sur le toit, au sixième étage de ce temple de la consommation, elle domine la ville du haut de ses 91 mètres de haut, et offre une vue imprenable sur son mont ronronnant aux pieds flottants, depuis l’une de ses 36 gondoles.

Quoi de mieux pour en mettre plein la vue, qu’une roue panoramique juchée sur un toit ? Ce n’est évidemment pas l’unique occurrence dans le monde : le charme d’une telle attraction est somme toute évidente. Cependant si le – presque banal à présent – combo gare + centre commercial pouvait déjà trouver ses limites, que penser du théâtral combo gare + centre commercial + parc d’attraction ? Doit-on y voir une tentative louable de réenchantement du temps d’attente des voyageurs ? Ou bien, ce modèle pousse-t-il encore plus loin le concept de marchandisation du temps de transit disponible ?

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Sa maquette trône à l’intérieur de la gare, à vous de tomber dessus !

Le parc d’attraction incarne en effet l’acmé de la ville-marchandise, puisque il constitue couramment un ensemble d’infrastructures essentiellement commerciales, aménagées à à la façon et l’échelle d’une petite ville. Et si l’hybridation des infrastructures urbaines allait plus loin ? Comment réagiriez-vous si la pharmacie du coin devenait également un bar-tabac ? C’est la question que nous vous posions  l’année dernière à la même période à travers une poignée de scénarios commerciaux amusants.

La transformation des gares en centres commerciaux est une chose, la métamorphose des centres commerciaux en parcs d’attraction en est une autre (et devant l’hybridation des trois, on reste logiquement bouche bée). Fortement séduits par l’idée de tours commerciales en plein centre-ville, les japonais transpercent de toute façon nos modèles urbains avec des idées truculentes par centaines. Si les shopping centers et les amusement parks à l’américaine reflètent les installations urbaines en proie à la ruine par excellence, le phénomène sera en effet moindre si l’on importe ces concentrés marchands au centre des villes ! Et nous qui rêvions de remplacer les centres commerciaux périphériques par des centres villes habités… l’idée de transformer « la place de village » en parc à thème fait tout de même froid dans le dos, vous ne trouvez pas ?

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